Berthier
Berthier Pierre né le 3 juillet 1782 à Nemours, mort le 24 août 1861
Chimiste et minéralogiste français
Il commença ses études au collège de Nemours. Entré ensuite à l'École centrale de Fontainebleau, Berthier y fut le condisciple de Poisson. Admis à l'École polytechnique en 1798, à l'âge de seize ans, en même temps que ce dernier, il eut la bonne fortune d'entendre les leçons de plusieurs de ses illustres fondateurs, Monge, Berthollet et Fourcroy ; il en sortit en 1801, pour entrer à l'École des Mines, dont il fut nommé élève, en même temps que M. Migneron, pendant que Chaptal occupait le ministère de l'intérieur.
L'École des Mines était alors à Paris. Mais, une année plus tard, elle fut transférée à Moutiers, département du Mont-Blanc. Berthier s'y rendit, avec le petit nombre d'élèves qui consentirent à quitter la capitale, pour aller habiter un pays encore dépourvu de ressources.
Il assista donc à la création du nouvel établissement, et suivit, sous l'habile direction de Schreiber, les intéressants travaux auxquels donna lieu la reprise de l'exploitation de la mine de plomb argentifère de Pesey, qui avait été complètement abandonnée en 1792, à la suite d'une inondation, et était tombée dans le délabrement le plus complet.
En compagnie des professeurs de l'Ecole, il parcourut et étudia les Alpes ; des mémoires publiés bientôt après, montrent l'attention qu'il donna aux hauts-fourneaux et aux aciéries de l'Isère.
Nommé ingénieur ordinaire le 27 décembre 1805, Berthier fut d'abord, pendant six mois, attaché à l'inspection de l'Ecole. Puis en 1806, on eut l'heureuse inspiration de l'appeler au laboratoire central établi près du Conseil des Mines, pour y travailler sous la direction du professeur Descostils, et l'aider dans les recherches qu'il avait entreprises, en vue de publier un traité de docimasie. Diverses circonstances ayant empêché cette publication, Berthier inséra dans le Journal des mines un certain nombre de mémoires, qui sont le fruit de son travail personnel, et qui décèlent déjà les qualités de son esprit scientifique.
Malgré ces premiers succès, désireux d'approfondir, sur le terrain et dans les usines, les études vers lesquelles il se sentait si vivement porté, Berthier n'hésita pas à solliciter d'être envoyé dans les départements. Une décision du Conseil, en date du 25 avril 1808, lui confia le service de ceux de la Haute-Loire, du Cantal et du Lot.
C'est dans cette région, classique pour la géologie des volcans, et dotée de gîtes minéraux de diverses natures, que le jeune ingénieur resta jusqu'à la nouvelle répartition opérée dans le service des mines. Il fut alors placé au nombre des ingénieurs ordinaires de première classe, par une décision du ministre de l'intérieur du 22 janvier 1811, et, le 11 mai de la même année, envoyé en station à Nevers, sous les ordres de M. l'ingénieur en chef Champeaux ; son service comprenait les trois départements de la Nièvre, du Cher et de l'Allier, si importants par leurs mines de fer et de houille, ainsi que par leurs usines.
Quand la France fut réduite à ses anciennes limites, et qu'il devint nécessaire de former une nouvelle répartition du service, Berthier fut chargé, le 1er août 1814, de remplir les fonctions d'ingénieur en chef dans l'arrondissement de Nevers, qui comprenait les quatre départements de la Nièvre, du Cher, de l'Allier et de Saône-et-Loire. Il remplit ce dernier service pendant près de deux ans.
A la mort de Descostils, M. le directeur général comte Mole lui confia, par une décision en date du 24 mai 1816, la place de professeur de docimasie et de chef du laboratoire de l'École des Mines, fonctions qu'il exerça pendant plus de trente ans, d'une manière si active et si éminemment utile. Nommé ingénieur en chef de deuxième classe en 1823, il fut promu, le 1er mai 1832, à la première classe de ce grade, et, le 22 décembre 1836, nommé inspecteur général. Avec ce dernier titre, il revint au service administratif, et prit la Division de l'Ouest.
Toutefois, il continua l'enseignement à l'École des Mines, d'abord avec le concours de M. Regnault nommé, en 1838, professeur adjoint de docimasie, puis avec Ébelmen, qui succéda à ce dernier en 1840, et dont l'Administration avait su apprécier la valeur.
Un arrêté du 16 novembre 1845 donna à Berthier le titre de professeur honoraire, et en même temps, Ebelmen fut désigné pour lui succéder. Enfin Berthier fut admis à faire valoir ses droits à la retraite, par un arrêté du 22 mars 1848 ; il avait atteint la limite d'âge, qu'un récent décret venait de fixer à soixante-cinq ans. Néanmoins, sur la demande de M. Dufrénoy, directeur de l'Ecole, et en raison des services exceptionnels qu'il avait rendus, son laboratoire lui fut conservé.
Chevalier de la Légion d'honneur, depuis le 28 novembre 1828, Berthier avait été promu, le 10 janvier 1835, au grade d'officier du même ordre.
Plusieurs années avant sa mort, vers le milieu de 1858, l'activité de Berthier fut arrêtée par un accident. Un jour il regagnait son domicile, lorsque, aux abords du Louvre, il fut renversé par une voiture ; on le releva sans blessure, mais frappé d'une paralysie, qui s'empara d'un côté du corps.
Depuis lors, il ne quitta plus son appartement et dut renoncer à ses travaux de laboratoire, sans que sa vivacité d'esprit se fût sensiblement affaiblie, Il se consolait en recevant les visites d'anciens élèves qu'il affectionnait, et en s'entretenant avec eux. Il succomba le 24 août 1861, à l'âge de soixante-dix-neuf ans. Suivant son désir, ses restes furent transportés dans sa ville natale, auprès de ceux de ses parents, pour lesquels il avait toujours montré une vive affection.
Ce sont les minéraux utiles, métalliques ou pierreux, qui ont toujours le plus particulièrement attiré l'attention de Berthier.
Aussi les minerais de fer occupent-ils une place importante dans ses recherches. Après avoir montré que ceux que l'on désignait sous le nom de fer hydraté, constituent réellement une espèce, dans laquelle la proportion d'eau est constante, si l'on fait la déduction des substances étrangères, il a décelé et caractérisé les mélanges auxquels cet oxyde hydraté se trouve le plus ordinairement associé. C'est ainsi que dans les minerais dits en grains, il signala le premier, entre autres substances mélangées, un alumino-silicate de fer magnétique, du fer carbonate oolithique (voir oolithe), du fer titane en grains cristallins, et l'hydrate d'alumine, substance qu'il découvrit plus tard isolée et en masses considérables. La connaissance des compagnons habituels des minerais de fer, dans leurs divers gisements, n'intéresse pas moins le minéralogiste et le géologue que le métallurgiste.
Le fer spathique avait été longtemps considéré comme de la chaux carbonatée mélangée d'oxyde de fer, à raison des similitudes de forme cristalline et de clivage ; Berthier confirma qu'il constitue une espèce particulière, le fer carbonate. En outre, après avoir annoncé, dès 1808, la présence presque constante du manganèse dans cette sorte de minerai, il appelait plus tard l'attention (en 1826) sur la cause pour laquelle le fer spathique, par suite de sa teneur en manganèse, est spécialement propre à la fabrication des fontes à acier ; en même temps il montrait l'avantage que l'on trouve à fondre des minerais très-manganésifères. On sait que ces principes se trouvent aujourd'hui de plus en plus constatés, et que, lorsqu'il s'agit d'obtenir des fontes destinées à la fabrication de l'acier Bessemer, on cherche à introduire de l'oxyde de manganèse dans les minerais qui n'en contiennent pas en quantité suffisante.
Pour ce sujet, comme pour bien d'autres, les vues de Berthier continuent à servir, chaque jour, de guide.
Depuis longtemps, on avait remarqué, sous le nom de mine douce, un minerai qui paraissait provenir d'une décomposition du fer spathique. En vérifiant le fait, Berthier vit que la décomposition a été accompagnée de l'élimination de la magnésie, que le fer spathique devait primitivement contenir.
En 1819, au moment où les grands résultats obtenus par l'Angleterre dans la fabrication du fer, commençaient à attirer sérieusement l'attention du continent, et où des essais en grand étaient tentés dans le nord de la France, à Anzin, Berthier fit une étude très-approfondie de la composition des minerais de fer que renferment les bassins houillers de notre pays (Essais et analyses d'un grand nombre de minerais de fer).
Après avoir analysé un très-grand nombre de ces minerais de fer, Berthier constata plusieurs faits importants relatifs à leur constitution. Il reconnut que le fer carbonate des houillères, auquel il proposa de donner le nom de fer carbonate argileux, renferme habituellement un corps, dont les caractères extérieurs ne peuvent faire soupçonner la présence, l'acide phosphorique, qui même s'y trouve souvent en forte proportion. Il est juste de rappeler que la présence de ce même corps avait déjà été reconnue, treize ans auparavant, par Vauquelin, dans une autre sorte de minerai de fer, la limonite de la Bourgogne et de la Franche-Comté. En même temps, cette longue série d'analyses faisait ressortir dans quelles proportions variables le minerai des houillères renferme les carbonates de fer, de manganèse, de magnésie et de chaux, ainsi que l'argile, le sable quartzeux et la substance charbonneuse.
On croyait que ce fer carbonate argileux était l'apanage du terrain houiller, lorsque Berthier en fit connaître la présence dans un terrain beaucoup plus récent, à Pourrain (Yonne), où il est associé aux bancs d'ocre que l'on y exploite depuis longtemps, et où il se présente avec la structure oolithique.
Le minerai de fer magnétique de Chamoison, en Valais, attira aussi son attention, à raison de la forte action qu'il exerce sur le barreau aimanté. Quoiqu'il diffère notablement de l'espèce désignée sous le nom d'oxyde magnétique, Berthier constata que le fer y est au minimum d'oxydation, associé à de l'alumine, de la silice et de l'eau, de manière à constituer une espèce nouvelle, à laquelle il donna le nom de chamoisite.
Plus tard, Berthier reconnut une composition assez analogue à cette dernière dans un autre minerai magnétique provenant des environs de Saint-Brieuc (Côtes-du-Nord), où la couche qu'il constitue appartient au terrain silurien, au lieu d'être subordonnée au terrain nummulitique, comme à Chamoison. Ce dernier minerai magnétique a été rencontré, en d'autres points, associé à la limonite, laquelle se retrouve dans différentes parties de la Bretagne, sur une distance de plus de 160 kilomètres, et à un niveau bien défini du terrain silurien.
Dans son important travail sur la composition des roches volcaniques, Cordier avait établi que le fer titane est habituellement disséminé dans ces roches, en très-petits grains, souvent indiscernables à l'oeil nu. Berthier reconnut ce même minéral dans des échantillons provenant de différents lieux, tels que Moisdon (Loire-Inférieure) et le Brésil ; mais dans ces contrées, il constitue des masses considérables, et se trouve subordonné à des terrains stratifiés ; c'est donc là un tout autre gisement que le premier. Il crut, en outre, pouvoir conclure que le fer et le manganèse sont, l'un et l'autre, à l'état de protoxyde, et que cette sorte de combinaison comprend, au moins, deux espèces distinctes. Dans les applications qu'il cherchait, comme d'ordinaire, à déduire de ses analyses, Berthier ajoutait qu'il serait très-facile de traiter en grand le fer titane et d'en obtenir de bon fer : il montrait comment, par l'addition d'un fondant convenable, on peut amener complètement le fer à l'état métallique, sans qu'il entraîne de titane. On sait que, depuis lors, on a, en effet, traité le fer titane au Canada et ailleurs, et qu'on a même cherché à en obtenir de l'acier.
Dans ses études sur les diverses combinaisons naturelles du fer, Berthier constata que le minéral, autrefois désigné sous le nom de fer azuré, n'est autre qu'une combinaison d'oxyde de fer au minimum, d'acide phosphorique et d'eau.
Les minerais des métaux autres que le fer ont aussi été l'objet de nombreuses recherches de la part de Berthier.
En 1803, Smithson avait montré que les minerais de zinc, jusqu'alors confondus sous le nom de zinc oxydé, constituent deux espèces tout à fait distinctes, le zinc carbonate et le zinc silicate. En reproduisant le mémoire dans le Journal des mines, Berthier y ajouta un grand nombre d'observations utiles. Ainsi, tout en confirmant que dans la seconde de ces espèces, la silice est en effet combinée avec l'oxyde de zinc, il démontra que l'eau, considérée par Smithson comme accidentelle dans ce composé, y est essentielle, et s'y trouve dans une proportion constante. Il chercha, en outre, à reproduire artificiellement le carbonate anhydre, mais sans y parvenir. On sait que Senarmont imita plus tard ce minéral, dans la belle série d'expériences qu'il institua en recourant à la chaleur aidée de la pression. Berthier est aussi conduit, par la discussion de ses analyses, à des observations très-judicieuses sur la manière de distinguer l'espèce, au milieu des mélanges qui compliquent si fréquemment la composition des minéraux.
Un autre mémoire concerne spécialement l'un des gîtes zincifères de la France, qui, tout pauvre qu'il est, offre de l'intérêt par sa position géologique. La partie inférieure du Lias renferme dans le département du Lot, à Combecave, près Figeac, une couche imprégnée de minerai de zinc, que Cordier avait décrite ; elle se trouve au même niveau que beaucoup d'autres épanchements métallifères, qui forment comme une auréole discontinue autour du plateau granitique de la France centrale. La roche qui accompagne le gîte a l'aspect d'un calcaire pur; mais la circonstance qu'elle consiste en une dolomie zincifère, contenant 1 p. 100 d'oxyde de zinc, apporte un document intéressant pour l'origine de ces couches métallifères, qui, dans d'autres contrées, sont beaucoup plus développées.
Le cinabre, associé à un grès quartzeux, forme aussi des couches, dont la puissance est considérable, dans les Andes du Pérou et dans la province de Huanca-Yelica. L'une des deux principales variétés de minerai, connue sous le nom de minerai rouge, était considérée comme du cinabre d'une nature particulière, dont on ne pouvait extraire le mercure par les procédés métallurgiques connus. Berthier montra combien on se trompait à ce sujet. D'abord la substance rouge qui domine dans le minerai n'est pas du sulfure de mercure, mais du sulfure d'arsenic (réalgar) dont la couleur avait induit les exploitants en erreur, quoique sa nuance ne soit pas la même que celle du cinabre. En second lieu, ce même minerai renferme réellement du cinabre, et même en proportion plus considérable que le minerai ordinaire, mais en mélange très-intime avec le réalgar, ainsi qu'avec d'autres sulfures métalliques, tels que la pyrite, la blende et la galène. On trouvait ainsi l'explication des maladies spéciales dont étaient victimes les ouvriers des mines de cette région, qui sont restées les plus importantes des deux Amériques, jusqu'à l'époque toute récente (1850) de la découverte des riches gisements de mercure de Californie.
Après avoir donné un procédé simple et exact pour déterminer la proportion de mercure que renferme ce cinabre arsenical, Berthier proposa en outre plusieurs modes à employer, pour le traiter en grand.
En dehors des minerais métalliques proprement dits, les découvertes de Berthier sont aussi très-nombreuses.
L'analyse d'une série de calcaires, qu'il entreprit quelque temps après la publication du beau travail de Vicat sur les mortiers, le conduisit à des conclusions théoriques, dont quelques-unes modifiaient celles auxquelles venaient d'être conduits Vicat et John, sur la cause à laquelle on devait attribuer la solidification des mortiers. Les résultats de ces analyses, confirmés par une série d'expériences synthétiques, prouvent d'abord, que la silice est un principe essentiel à ces sortes de chaux et, en outre, que les oxydes de fer et de manganèse, loin de jouer le rôle important qu'on leur avait attribué, sont, au contraire, en général tout à fait passifs. Quant à l'alumine, Berthier croyait pouvoir conclure, dès 1821, qu'elle contribue à donner de la dureté.
On rencontre des carbonates complexes de chaux, de magnésie, de protoxyde de fer et de protoxyde de manganèse, dans lesquels ces quatre bases se trouvent, en proportions extrêmement variées. Berthier, après avoir précisé la composition d'un grand nombre de ces carbonates multiples, y établit quatre groupes naturels, déterminés par la nature du carbonate prédominant. Il reconnut en outre, au milieu de ces mélanges en proportions très-variables, qu'un minéral qui avait reçu la dénomination de chaux carbonatée ferrifère, ne renferme pas de traces de chaux, et se compose essentiellement de carbonate de magnésie, avec du carbonate de fer en faible proportion ; c'est l'espèce qui a reçu le nom de Breunnérite. L'existence du manganèse carbonate, déjà annoncée par divers chimistes, et révoquée en doute par quelques minéralogistes, fut parfaitement démontrée par Berthier, sur des échantillons de Nagyag et de Freyberg.
De nombreuses espèces de la famille des silicates, si importante dans le règne minéral, ont été l'objet d'investigations approfondies de la part de Berthier.
Depuis longtemps, les traités de minéralogie mentionnent les analyses qu'il a données des feldspaths du Mont-Dore et du Drachenfels, de l'obsidienne de Pasco, et du pétrosilex d'Aran. On peut aussi rappeler ses études sur la pouzzolane de Naples et le trass des bords du Rhin, substances dans lesquelles il trouve l'eau à l'état de combinaison, et qui constituent comme des feldspaths hydratés, que l'on pourrait, dit-il, exploiter pour minerai d'alun.
Dans l'un de ses premiers mémoires, dès 1807, Berthier indiquait, dans le phyllade de Cherbourg, la présence de la potasse, sans la moindre trace de soude. Toujours très-circonspect dans ses déductions, il ajoutait toutefois que cette potasse pouvait provenir d'un mélange de feldspath. Peu de temps après, la présence de la potasse, également en proportion très-notable, était constatée par d'Aubuisson dans une analyse très-instructive par ses conséquences. On sait comment ces premiers résultats, si importants pour l'agriculture, non moins que pour la géologie, se généralisèrent, notamment par les travaux de Mitscherlich ; ceux-ci nous ont même appris qu'il est bien peu d'argiles sans potasse combinée.
La constitution intime des argiles a été éclairée par Berthier ; il s'est servi de divers agents, acides ou alcalins, pour faire une sorte d'analyse immédiate de ces composés naturels, si intéressants par leur abondance, ainsi que par leur origine et leurs nombreux emplois dans l'industrie.
Le premier, il a appelé l'attention sur des silicates d'alumine hydratés, qu'il a distingués, à juste titre, des argiles proprement dites ; elles en diffèrent, en effet, non-seulement par les proportions relatives de leurs trois éléments, mais, sans doute aussi, par leur mode de formation. L'halloysite, d'abord établie comme espèce, sur un échantillon que le vénérable doyen des géologues, M. d'Omalius d'Halloy, avait rencontré à Angleure, près de Liège, fut bientôt retrouvée par Berthier dans les gîtes métallifères d'autres contrées, notamment à Nontron, dans la Dordogne.
C'est aussi dans cette dernière localité que Berthier signala une espèce nouvelle, un silicate de peroxyde de fer, avec de l'eau de combinaison, qui présente l'aspect d'une argile de couleur jaune serin. Cette espèce nouvelle, qui reçut le nom de nontronite, doit donc être séparée bien nettement des ocres jaunes, qui consistent en un silicate d'alumine, simplement mélangé d'hydrate de peroxyde de fer, et dont Berthier avait aussi fait une étude spéciale.
A la fin du siècle dernier, Guettard avait reconnu que le kaolin résulte d'une décomposition du feldspath appartenant à certaines roches granitiques. Plus tard, on constata que l'alcali du minéral primitif a disparu dans cette décomposition. Berthier démontra de plus, que dans l'action à laquelle le kaolin doit naissance, une partie notable de la silice a été éliminée.
La décomposition qu'a subie une autre espèce de silicate, qui est dépourvu d'alcali, le silicate de manganèse, connu sous le nom de bustamite, fut aussi pour Berthier le sujet d'une observation, dont l'importance s'est surtout montrée plus tard ; il reconnut que dans l'altération, le métal s'est isolé de la silice, en passant à l'état de peroxyde.
C'est ainsi que, dans cette direction, comme dans plusieurs autres, Berthier préludait aux études classiques sur la décomposition des roches silicatées en général, dont son éminent élève, Ébelmen, a plus tard enrichi la géologie chimique.
L'auteur d'études si variées sur les combustibles charbonneux, ne pouvait oublier les bitumes naturels, dont on commençait alors à faire très-grand usage pour les dallages et pour les enduits, non plus que les schistes dits bitumineux, que l'on entreprenait de distiller aux environs d'Autun, pour en extraire des huiles destinées à l'industrie, fabrication dont l'invasion des pétroles d'Amérique a plus tard arrêté l'essor.
Il serait trop long d'examiner tout ce que nous ont appris les nombreux travaux de Berthier sur les minerais de cuivre notamment ceux du Chili, sur les minerais d'argent et, en particulier, ceux du Mexique, sur les minerais de nickel ; on ne peut les lire, sans y trouver des documents précieux tant pour la connaissance minéralogique de ces minerais que pour leur traitement.
A la suite des nouvelles espèces de silicates qu'il découvrit et dont il vient d'être question, halloysite, nontronite et autres, il faut citer une espèce particulière de silicate de cuivre, de même qu'un sulfate de cuivre, voisin de la brochantite.
A côté de l'antimoine sulfuré que fournissent les filons de Chazelles (Puy-de-Dôme), il signala une combinaison de sulfure d'antimoine et de sulfure de fer qu'il nomma haidingérite en l'honneur de M. de Haidinger, mais à laquelle cet éminent minéralogiste a imposé le nom de berthiérite conservé depuis lors. Cette espèce a été retrouvée, plus tard, dans d'autres localités.
On vient de voir comment, dans ces diverses recherches, qui initient intimement à la constitution des minéraux les plus importants, Berthier a découvert un certain nombre d'espèces nouvelles.
Ce ne sont pas les seules dont on lui doive la connaissance.
En analysant les minéraux zincifères qui constituent le gîte de Franklin, État de New-Jersey, il décela, en 1819, dans le minéral noir, associé au zinc oxydé manganésifère, une combinaison nouvelle de peroxyde de fer et de protoxyde de zinc, à laquelle il donna le nom de franklinite. Ce minéral est analogue au spinelle, ainsi qu'Abich le confirma pleinement, en 1831, dans ses belles études sur cette famille de minéraux. Comme d'ordinaire dans les mémoires de Berthier, les considérations théoriques sont suivies ici d'observations pratiques ; l'auteur montre qu'on pourrait tirer un parti très-avantageux de ces minerais, et cela, de plusieurs manières ; on les utilise en effet aujourd'hui, et, après avoir fourni du zinc, ils donnent de la fonte blanche miroitante, propre à la fabrication de l'acier.
L'examen d'un minerai de fer du Sénégal, de Fouta-Diallon, avait fait reconnaître à Berthier une espèce minérale nouvelle, un hydrate d'alumine. Bientôt après il retrouva cette même espèce en France, où elle constitue des masses considérables dans la commune des Baux, près Tarascon département des Bouches-du-Rhône ; le mélange argile et d'hydrate de peroxyde de fer, qui cache habituellement à la vue cette nouvelle espèce, au point que l'on avait cherché à le traiter comme un minerai de fer, n'empêcha pas Berthier de la découvrir. L'importance de ce minéral, qui a reçu le nom de bauxite, s'est accrue, depuis qu'on l'a reconnu en abondance dans bien d'autres gîtes du sud-ouest de la France et dans diverses contrées. Déjà, on cherche à en tirer parti pour la fabrication directe du sulfate d'alumine, pour celle de l'aluminium, et il est possible que cet hydrate d'alumine naturel, si facilement attaquable, trouve d'autres emplois.
Le minéral connu des mineurs du Mexique sous le nom de plata verde ou argent vert, fut reconnu par Berthier comme étant, non un chlorure, mais un bromure d'argent (bromargyrite) et retrouvé ensuite par lui, à Huelgoat, dans le Finistère, puis au Chili, où il forme des masses considérables, surtout comme chlorobromure. Cette découverte du brome dans les minerais proprement dits, en dehors de l'eau de mer, complétait la découverte, qu'avait faite Vauquelin, en 1825, de l'iode dans le règne minéral, à l'état d'iodure d'argent.
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