Promenade géologique à la Mine des Sards
sujet en cours de réalisation
Situé sur la commune de Talmont-Saint-Hilaire, un peu au nord-ouest de Port-Bourgenay, le site de cette ancienne mine est situé sur la côte, en bordure du Bois de la Mine. Il s'agit d'une petite anse sédimentaire bien connue des amateurs de pêche à pied mais aussi des amateurs de géologie.
Cette zone, comme tout le littoral compris entre Les Sables d'Olonne et Bourgenay, fait l'objet d'un inventaire ZNIEFF (Zone Naturelle d’Intérêt Ecologique Faunistique et Floristique).
http://inpn.mnhn.fr/docs/ZNIEFF/znieffpdf/520016279.pdf
Le chemin qui longe la mer tout le long de cette côte ne manque pas d’intérêt, tant géologique que floristique ou faunistique. Et le simple plaisir de cette promenade en bord de mer peut satisfaire les personnes non portées vers les Sciences de la Nature.
Une petite route (direction Les Viviers de la Mine) permet de rejoindre facilement le site où un parking est disponible.
Ne pas confondre cette mine (appelée dans les anciens textes : mine des Essarts, mine des Sarts, mine des Sards ou mine de l'Essart) avec la mine de Jard, plus au sud (voir promenade à la pointe du Payré).
Le mot "sarts" (d'où le nom du site) désigne ici les tas de varech ou de goëmon arrachés par la mer et qui viennent s'échouer sur les côtes. Ces algues-épaves furent de tout temps recueillies par les paysans aux alentours pour fumer les terrains sablonneux de leur parcelle maraîchère.
Pour mieux situer la promenade, quelques vues générales de la baie.
-vues du nord vers le sud :
-vue du sud vers le nord :
Pour comprendre cette zone, il faut savoir que normalement devrait affleurer ici le socle cristallophyllien qui depuis les Sables (et au-delà au nord), se rencontre jusqu'à la pointe du Payré (Jard-sur-Mer).
Mais l'existence de failles a permis l'abaissement de certains compartiments rocheux (c'est le cas à St Jean d'Orbestiers, à la baie de Cayola et donc à cette zone de la Mine). L'observation de séries sédimentaires est alors possible.
Sur un extrait géologique de la zone (d'après la carte géologique des Sables d'Olonne), on voit bien la présence des failles (en rouge). Sur la droite (en jaune et orangé) la série cristallophyllienne et à gauche (en bleu et vert) les couches sédimentaires.
Une grande partie du fond de l'anse est encombrée de galets de lias silicifié ; ces cordons de galets se retrouvent en de nombreux autres endroits de la côte (Pointe du Payré, Cayola...). Extrêmement durs, ils sont généralement marqués par les chocs dus aux mouvements des vagues.
Le lias silicifié (Hettangien en grande partie) forme toute une zone rocheuse en bordure de côte dans la partie sud-ouest de la baie.
Très fracturé, ce lias présente un grand nombre de failles, poches et espaces dans lesquels on peut observer de belles cristallisations en placages de quartz. La très grande dureté du support liasique rend l'extraction d'échantillons en place déconseillée. Mieux vaut profiter de l'action régulière des vagues qui lors des fortes marées ne manquent pas de frapper la roche et d'en détacher parfois des blocs susceptibles de receler quelques échantillons récupérables.
Cependant, les chocs perpétuels des galets sur les roches à chaque marée haute provoquent très rapidement l'usure puis la destruction de ces cristallisations.
La tempête du début de l'année 2010 a fait des dégâts certes sur nos côtes mais a crée des éboulements de falaises un peu partout. Et la violence de la mer a même réussi à fracturer ce lias super solide abritant les poches de quartz. Après la tempête nous avons eu la chance de pouvoir récolter quelques échantillons intacts. Les couleurs sont variées : transparent, blanchâtre, gris à bleuté et même brun à cognac. La taille des têtes de quartz peut atteindre le centimètre.
Quelques échantillons représentatifs :
En cassant des blocs de Lias ou des galets, de petites géodes sont parfois visibles ; outre le quartz, de petits cristaux de barytine peuvent être observés.
Pour en finir avec le quartz, signalons, un peu plus au sud le long de la côte en se dirigeant vers Bourgenay, une cristallisation de quartz particulière, donnant un aspect de petites crêtes. Ressemblant à une cristallisation commune de barytine, la dureté du minéral permet sans aucun doute de reconnaître le quartz. On peut d'ailleurs retrouver des cristallisations un peu semblables, mais moins spectaculaires, au niveau de la falaise du Bois Saint-Jean (un peu au Nord de Cayola).
Intéressons nous à présent à l'objet principal de ce site, à savoir la mine, qui a donné son nom au site. L'ouverture est facile à observer dans la zone liasique dont nous venons de parler. De ce coté de la baie, toutes les couches sédimentaires (Domérien, Carixien -très réduit- et Sinémuro Hettangien) sont silicifiées.
Aux alentours de l'entrée de la mine, des observations de fossiles sont possibles, malgré la dureté de la roche : Pseudopecten, Belemnites, Ammonites, Coraux. Cependant, c'est de l'autre coté de la baie, dans la zone non silicifiée, que les fossiles sont plus facilement observables. Nous en parlerons plus tard.
Il est peut-être temps de replacer la mine dans son contexte historique.
L'intérêt pour la géologie de la région ne débuta réellement qu'avec la découverte en 1775 de galène argentifère au lieu-dit les Sarts, par Veillon de Boismartin. Lorsque Louis XVI rechercha des ressources financières vers 1780, il chargea le Baron Von Dietricht d'inspecter (entre autres) tous les gîtes de minerai contenant de l'argent de la région.
Le microfilm du rapport de De Dietrich existe aux Archives Départementales de la Vendée.
Voyons quelques extraits de ce rapport concernant la région sablaise.
A propos de la vision globale de la géologie de la région à l'époque :
" Je commençais par visiter la côte pour prendre une idée de la nature des rochers qui renferment ces mines. Je suivis le rivage en allant du coté des Sables jusqu'à un endroit nommé Caillola, sur une longueur de plus de trois quarts d'heures de chemin. J'y vis toute la côte composée d'une espèce de gneiss ou d'un mélange de quartz, de mica et d'argile qui se divise en dalles. Le grain de cette roche ressemble assez communément à celui du grès. Au-dessus de ce gneiss, dont les bancs sont inclinés du coté des terres, et qu'on y voit presque généralement au niveau de la mer, sont des rochers de granit, variant beaucoup dans le mélange et la grosseur des grains de leurs parties constituantes. Ces bancs de gneiss sont coupés par un grand nombre de veines de quartz et de feldspath dans toutes sortes de directions."
A propos de la mine :
"La concession de la mine en avait été faite , pour trente années au sieur Robert
Granville fils, par arrêt du conseil d'Etat en date du 27 mars 1779. Il est certain que cette mine a été exploitée pendant plusieurs années ; ceci résulte du moins d'un rapport de M. le baron de Dietrich, commissaire du roi , à la visite des
mines. Mais, à une époque qui n'est pas connue , la concession a été complètement
abandonnée."
Petite description d'époque de la mine par le baron De Dietrich :
"J'entrai dans une galerie prise dans la berge ; voici ce que j'y vis : à quinze pieds du jour, on a suivi trois veines différentes; on a joint celle qui se trouve le plus à gauche par une petite traverse de deux toises, dans du pétrosilex noirâtre. On y voit un filet qui contient de la galène à petits grains dans du quartz friable, de deux pouces d'épaisseur au plus, sans éponte suivie, presque vertical......"
Pour info, voici en mesures actuelles, l'équivalence des termes employés ici :
-le grain : 0,053 g
-la toise : 1,94904 m
-la lieue : 3,898 km
-le pied : 34 cm environ
L'entrée de la mine est aujourd'hui en grande partie obstruée par les galets que la mer finit par remonter lors des tempêtes jusqu'à l'intérieur. Le passage est cependant toujours possible mais en rampant (à la manière spéléo) sur un vingtaine de mètres.
Quelques images de l'intérieur de la mine :
Mais, à part un peu de quartz, aucune minéralisation visible dans toute la partie accessible. Seule une galerie très réduite n'a pas été explorée. Il faut dire que d'après les textes, les filons ne faisaient que quelques centimètres d'épaisseur, donc l'extraction a été totale probablement. L'extraction pour l'argent, concernait d'après les textes la galène argentifère mais celle-ci est actuellement très rare à observer sur le site. Par contre, la pyrite y est abondante comme on le verra.
Le filon se prolongeant dans la mer, il y eut exploitation dans la baie comme le raconte les textes d'époque :
"On avait commencé les travaux des Essarts par des tailles ouvertes prises sur ces veines dans la baie... quoiqu'on fut forcé de se retirer à chaque marée et d'employer une bonne partie des douze heures qui restaient libres dans les 24, à épuiser les eaux des travaux et à les nettoyer."
et pour décrire le travail :
"On employait un maître-mineur et 50 ouvriers, tant mineurs que fondeurs, forgerons et manœuvres commandés par un directeur et un contrôleur auxquels on a joint un ingénieur des mines."
"On a construit un boccard à eau, avec 7 tables à laver, et l'eau n'étant pas suffisante, on en faisait puiser, au moyen d'une machine à molettes mue par des chevaux. Il y avait de plus deux petits lavoirs anglais, deux fourneaux à manches, deux avec des soufflets mus à bras d'homme, deux fourneaux à coupelle et de très mauvaises baraques pour les employés et les mineurs."
Le minerai extrait rendait 14 à 15 onces d'argent au quintal de plomb soit 430 grammes pour 100 kilos de galène environ. Il ne reste que très peu de traces sur le site des constructions ou aménagements effectués mais les conditions de vie des ouvriers étaient très précaires. Difficile d'imaginer cela en voyant le site actuel.
On peut lire :
" L'air y est si mauvais que depuis le commencement de l'exploitation,les directeurs et maîtres-ouvriers y ont été accablés par les fièvres quartes obstinés et que plusieurs y ont successivement péri."
La fièvre quarte fait surement référence au paludisme, présent en France à cette époque !
Un autre extrait à propos des travaux en tranchée directement dans la baie :
"On a de la peine à concevoir que cette manière de travailler à tranchée ouverte ait pu être considérée comme avantageuse pour la Compagnie. Un travail interrompu de 6 heures en 6 heures dans lequel il faut perdre une partie du temps à nettoyer et vider, où les ouvriers sont constamment dans la fange et exposés à toutes les injures du temps, où la poudre n'agit jamais que dans l'humidité......"
Les minéralisations étant rares au niveau de la falaise même ou de la mine, mieux vaut chercher celles-ci sur l'estran à marée basse. De légers mouvements tectoniques ont en effet permis la fracturation du lias silicifié et des remontées hydrothermales responsables de minéralisations.
La présence d'algues et l'usure due aux mouvements de la mer et aux chocs des galets rendent plus difficiles la détection des filons. Mais la présence de pyrite est associée à une couleur brun rouge bien visible sur les rochers. Il est facile de suivre les filons sur plusieurs mètres, voire plus.
Le choc des galets laissent parfois deviner en bordure de ces croûtes rougeâtres la teinte dorée de la pyrite.
et parfois même, la pyrite est visible.
L'extraction d'échantillons est possible mais leur conservation est généralement impossible, la pyrite se décomposant progressivement.
Pour la galène (argentifère), il est beaucoup plus difficile de la repérer. Comme ce fut l'objet principal de l'exploitation, il ne doit plus rester grand chose. De plus les filonnets (d'après les textes) étaient très étroits.
Là où il y a de la galène, l'action de la mer permet de voir, par usure, des surfaces grises (peu visibles), souvent associées à des formes mamelonnées.
Mais dès qu'on casse le bloc, la présence de galène (associée au quartz) est bien nette.
Profitons de cette exploration sur l'estran pour remarquer, à la base de l'Hettangien silicifié, une belle couche d'argile bleu-vert. Cette formation en plusieurs autres endroits de la côte : à la pointe du Payré, au Veillon et à l'anse du Bois Saint-Jean par exemple.
Remontons maintenant vers la falaise et dirigeons nous dans la partie nord ouest de la baie. Cachée en partie par la végétation et le sable qui descend de la partie supérieure, on peut observer la zone de la faille : à droite la partie sédimentaire liasique, à gauche (couleur ocre) le socle cristallophyllien primaire. Orientée pratiquement nord sud, le rejet de cette faille est d'environ 25 mètres.
Quelques vues plus rapprochées de ces roches cristallophylliennes décrites dans la notice de la carte géologique comme gneiss et micaschistes amygdalaires :
De beaux filons presque uniquement feldspathiques recoupent ces gneiss et micaschistes :
Ces filons peuvent contenir des cristaux assez bien formés de tourmaline noire :
Quelques filons de pegmatites permettent d'observer des cristaux centimétriques de muscovite.
Remontons maintenant vers le haut de plage. A droite de la faille, sur quelques dizaines de mètres, les couches sédimentaires (Lias non silicifié) sont bien visibles.
La mer venant à chaque marée jusqu'à base de l'affleurement, elle apporte souvent son lot de déchets. Elle déplace aussi sables et galets ce qui permet selon les moments de l'année une bonne ou une mauvaise visibilité des couches inférieures.
Le long de la faille, se rencontrent de haut en bas :
- le Toarcien (Rhynchonelle amalthei) presque entièrement caché par les sables dunaires et la végétation
- le Charmouthien (Domérien et Pliesbachien Aegoceras capricornus)
- l'Hettangien à nombreux fossiles
La roche varie selon les couches entre des calcaires durs (parfois dolomitiques) et des calcaires marneux moins résistants. Quelques zones argileuses observables aussi comme à la base de l'Hettangien.
Les fossiles sont par endroits très nombreux
Très classique du secteur : Pseudopecten aequivalvis parfois en bon état.
Classiques aussi, des Gryphaea
Moins communes, des rhynchonelles :
Le plus courant ici ce sont les rostres de belemnites ! De toutes tailles, abondants mais jamais entiers.
Ces rostres sont très abondants dans une sorte de poudingue argileux situé à la base de l'affleurement. Libérés par l'érosion des couches supérieures, ces rostres se sont faits piégés dans des dépôts argileux de la base de l'affleurement, mêlés à de petits cailloux. Peu déplacés, ils sont en assez bon état.
D'autres espèces peuvent être rencontrées :
Avant de quitter cette zone d'affleurement, une structure particulière apparaissant dans les couches grises du bas de l'affleurement.
Il pourrait s'agir de galets mous : en général, il s'agit de fragments de la vase du fond marin, détachés par des turbidités, emportés et inclus dans une autre zone de dépôts.
Notons aussi la présence de petits filons de calcite dans cette structure.
Une autre curiosité à citer : lorsque les tempêtes ou les courants marins déblaient (c'est très rare) le sable et les galets du bas de la plage, il est mis à jour au ras des premiers rochers une zone argileuse extrêmement riche en pyrite dans laquelle de jolies cristallisations peuvent se rencontrer. Mais, comme en général la pyrite de bord de mer, ces formations ont du mal à se conserver à la longue.
L'action irrégulière de l'érosion sur les roches de la côte donnent à gauche de la zone de faille des succession de pointes et de creux dont l'exploration ne manque pas parfois d'être intéressante.
Au fond de ces petites criques, s'observent parfois des accumulations de sables à grenats. Ces sables, rencontrés sur la côte à Sauveterre, à Brétignolles, et dans quelques autres petits secteurs de la région ne sont pas présents en permanence. Il faut des conditions de mer et de temps particulières. Le jour de l'observation, un tapis d'un demi-centimètre d'épaisseur était présent.
Vue du sable à la loupe binoculaire :
Parmi les minéraux facilement reconnaissables :
- en blanc ou plus ou moins transparent, les quartz
- en rose ou rouge plus ou moins foncé, les grenats
- en bleu plus ou moins vif, les saphirs
- en noir, les oxydes de fer tel l'ilménite
Pour plus d'informations, consulter le document suivant :
Histoire de la géologie en Talmondais (Le Naturaliste Vendéen N°3, 2003, 13-28)
http://publikationen.ub.uni-frankfurt.de/files/30615/godard_2003_talmondais.pdf