La colline du Mormont
La cimenterie Holcim exploite depuis plus de trente ans la colline du Mormont pour l’excellence de son calcaire. C’est l’une des plus grandes carrières de Suisse, qui coupe littéralement la colline en deux.
En été 2006, alors que les bulldozers allaient s’attaquer à une combe proche du sommet, des sondages archéologiques ont permis de mettre à jour un sanctuaire helvète d’une importance exceptionnelle : rien de moins que le plus grand sanctuaire celtique d’Europe. Cette découverte inattendue livre des informations précieuses sur notre histoire.
Une négociation délicate avec l’entreprise Holcim permet aux archéologues de démarrer une campagne de fouille d’urgence, au milieu des camions et des pelleteuses géantes qui déblaient l’épaisse couche de terre recouvrant le calcaire. Ces fouilles ont duré 8 mois, et le bilan est exceptionnel.
Dans un ensemble de 260 fosses coniques creusées entre 120 et 80 avant notre ère dans l’humus, à une profondeur de 80 cm à 5 m, reposaient des ossements humains – squelettes en position repliée, crânes isolés représentant probablement des trophées guerriers – et animaux, surtout bœufs et chevaux.
M>E/b>êlés à ces vestiges gisaient des dizaines de vases en céramique, des monnaies celtiques et romaines, des récipients en bronze, des bijoux (fibules en bronze, perles en verre), des outils en fer, des scories métalliques, de nombreuses meules en pierre. Curieusement, les armes semblent faire défaut. Cet abondant matériel est en cours de conservation au Musée de Lausanne.
Des regrets ternissent la miraculeuse surprise. Les projets de Holcim SA ayant été connus de longue date, pourquoi n’être intervenu qu’in extremis et avec des moyens insuffisants? A-t-on réalisé en haut lieu qu’il s’agissait d’un site capital non seulement sur le plan vaudois, mais pour la Suisse toute entière? Pourquoi l’aide de la Confédération n’aurait-elle pu être sollicitée, comme ce fut le cas lors de la construction du réseau autoroutier qui livra de véritables trésors archéologiques? La direction d’Holcim SA, dont on connaît l’intérêt pour l’archéologie, fut-elle informée de l’incroyable importance patrimoniale du Mormont protohistorique? Et la société «archéologie suisse», a-t-elle mis tout son poids dans la balance? Et la Commission fédérale des monuments historiques?
Hélas! en archéologie, les occasions manquées sont irrémédiablement perdues.
Depuis mars 2011, date de la fin des fouilles archéologiques sur la phase 4 d'exploitation de la carrière, la direction de Holcim et l'archéologie cantonale se sont préoccupées de la suite des fouilles préventives. En effet, les limites du sanctuaire helvète daté vers 100 avant J.-C., n'ont pas encore été atteintes. L'exploitation de la 5ème étape, d'une surface de 17000 m2, est programmée pour 2014.
Initiées en avril, les fouilles qui sont confiées à une entreprise spécialisée se poursuivront jusqu'à mi-octobre. Les travaux ont visé dans un premier temps à diagnostiquer l'extension des vestiges archéologiques au moyen de grandes tranchées perpendiculaires d'une longueur totale de 450 m, à but stratigraphique. A la suite de cela, le décapage extensif de 7500 m2 de terres superficielles a pu être effectué sous l'oeil attentif des archéologues.
Les vestiges mis au jour consistent en six nouvelles fosses à offrandes ainsi qu'une série d'autres aménagements comprenant une dizaine de foyers, une trentaine de trous de poteaux, des fosses, des blocs de pierre et une route d'époque romaine.
Les fosses à offrandes découvertes cette année confirment la richesse du site et l'agencement particulier des dépôts. On relèvera la découverte, au fond d'une fosse taillée dans le rocher, d'un chaudron en fer à deux anses reposant sur une série de vases brisés et recouvert par un imposant bloc de calcaire. Une autre structure excavée, située à quelques mètres de la précédente, a livré un amas considérable de restes animaux (vache entière, carcasses d'autres animaux domestiques, caprins, cheval, porc...) ainsi que le squelette incomplet d'un être humain, un enfant d'environ 5 ans.
Les recherches reprendront au printemps 2013 afin que les vestiges archéologiques puissent être intégralement documentés et prélevés avant que l'exploitation du calcaire ne reprenne ses droits au sommet de la colline.
Ne peut-on pas laisser la nature tranquille !
Pour informations il y a 20 ans on y trouvait encore de la pyrite et quelques calcites, maintenant le site est tellement rogné et sécurisé (heureusement vu la dangerosité des falaises) que l'on peut juste faire le tour à pied, je l'ai fait cet après-midi en essayant de regarder à droite et à gauche (on sait jamais) et 10 minutes plus tard une voiture de l'entreprise était là ! J’ai envie de pleurer, j’ai l’impression de l’entendre crier de douleur cette montagne, que va-t-il en rester dans plusieurs années ?