Voyage à La Union / Espagne / Mai 2007
A tous les amateurs, vous trouverez ci-dessous le compte rendu de notre escapade espagnole du mois de mai... Bonne lecture !
NOUVELLES MINERALOGIQUES D’ ESPAGNE Voyage à La Union, province de Murcia, Espagne du 5 au 10 mai 2007
En 2003, les rencontres lors de nos réunions du bureau de Géopolis, nous avait incités à mettre sur pied le projet « amical et minéralogique » de se rendre à La Union, province de Murcia, Espagne. Nous avions pu effectuer ainsi de belles découvertes dans la « Sierra Minera de Cartagena » et nous nous étions promis d’y retourner. Profitant des week-end allongés du début mai, nous sommes repartis à quatre personnes, Alain, Michel, Francesco et Dominique, avec l’idée de passer du bon temps ensemble et bien sûr de faire une récolte intéressante. Pendant le long voyage d’arrivée longeant la méditerranée, nous avons pu « apprécier » les changements rapides intervenus depuis quatre ans et l’urbanisation forcenée voire totalement anarchique sur plusieurs centaines de kilomètres, notamment à Benidorm, ville s’approchant aujourd’hui plus de Hong-Kong que du port ancien et paisible de la Costa Blanca… Une fois la ville minière rejointe avec bonheur, nos sacs de voyage déposés à l’hôtel, nous étions enfin à pied d’œuvre pour une chasse aux minéraux, loin du béton et des millions de touristes déferlant chaque année sur les plages espagnoles.
Bref historique du district miner : La région est connue depuis fort longtemps pour la richesse de ses mines qui ont été notamment exploitées par les romains. Des milliers d’esclaves ont ainsi creusé tunnels et mines à travers la Sierra, les minerais étant ensuite transportés jusqu’à Portus Magnus (actuelle ville de Portman) qui en garde aujourd’hui encore les traces historiques. L’importance de la ville romaine de Cartagène (Cartago Nova : la nouvelle Carthage) était sans aucun doute liée à ces activités. Par la suite, même si une loi promulguée en 1387, autorise à chercher des minerais et à creuser des mines, l’exploitation marque un recul et les vestiges miniers se font plus rares. En 1587, Philippe II signe une ordonnance autorisant la recherche de plomb et d’argent au lieu dit « Sancti Espiritu », massif qui aujourd’hui surplombe la ville de La Union. Un peu plus tard (règne de Philippe III), il se dit qu’à Portman on trouve « des pierres noires et violettes d'améthyste, et jusqu'à des saphirs aux éclats éblouissants"… Les Romains avaient déjà, eux aussi, remarqué ces améthystes, gemmes d’une grande importance dans leur société. La fièvre véritable revient vers le milieu du XIXeme siècle avec une exploitation qui s’effectue via des mines souterraines, parfois très profondes. La région devient un lieu économique privilégié attirant de nombreux émigrants, venus en grande partie d’Almeria. Le 1er janvier 1860, des villages sous la coupe de la ville de Cartagène, fondent une ville unique, El Garbanzal. A la suite de nombreux désaccords locaux, une nouvelle organisation est mise en place en 1868 conduisant à la création de la ville de La Union. Les « riches heures » de La Union trouvent place entre la fin du XIXeme et le début du XXeme siècle. A cette époque flamboyante l’immobilier se développe et de grandes réalisations se font jour comme le Marché Public, l’Eglise du Rosaire, la maison « Del Pinon », etc. La région traverse de graves crises sociales dues aux conditions de travail inhumaines, surtout en 1898 et 1916. La grande guerre puis la guerre d’Espagne laissent des traces et contribuent à faire partir la population. De 35 000 habitants recensés en 1908, on passe à 10 000 en 1950… Puis la technologie ayant évolué avec l’industrie métallurgique, l’essor économique revient avec la mise en exploitation des anciennes mines souterraines en carrières à ciel ouvert. En 1957, la société Pennaroya Espagne (sous le nom de SMMP : Société Minière et Métallurgique de Pennaroya), déjà présente depuis quelques années, obtient le monopole d’exploitation et ce jusqu’en 1988. En 1988, le monopole change de mains et passe à la société « Portman Golf » qui conjuguera l’exploitation minière, déjà en fort recul et le profit touristique de la région. L’année 1991 verra l’arrêt définitif des travaux miniers après quelques 2000 ans d’exploitation !
Travaux réalisés par SMMP Espagne : Les mines ont été reprises en exploitation en carrières à ciel ouvert, les « cortas », Emilia en 1953, Gloria en 1965, San Valentin en 1966 puis Los Blancos en 1973. Le minerai était transporté jusqu’à trois points de collecte où il était descendu par des puits menant jusqu’à un tunnel, le tunnel « José Maestre ». Long de 2,5km, ce collecteur utilisant l’eau de mer sous pression, acheminait les matières premières jusqu’à la laverie installée à Portman. Après traitement dans la laverie « Roberto », la plus grande jamais construite en Espagne voire en Europe, les stériles étaient tout simplement évacués à la mer, dans la baie de Portman. La laverie fonctionnera ainsi jusqu’au 30 mars 1990. Dès 1965, les premiers effets du désastre se font sentir : les déversements de stériles en mer ne s’évacuant pas au large (7000 tonnes/jour), comme s’y était engagée la SMMP, la baie se bouche progressivement. Au total ce sont plus de 58 millions de tonnes de stériles qui seront ainsi rejetés, faisant reculer la mer à plus de 650m de distance (et sur 1 Km de large). Sans parler du contenu de minéraux toxiques sur cette « plage » artificielle (Cd, Pb, Mn, Zn, Hg, etc.), de l’effet disgracieux pour le village, on imagine aisément le désastre écologique généré en si peu de temps. Depuis 1995 plusieurs projets ont vu le jour pour tenter de régénérer la baie et lui rendre son aspect antérieur à 1957. A ce jour rien n’est fait. Toutefois, lors de nos sorties, nous avons rencontré des personnels d’une société effectuant des sondages pour tester l’imperméabilité d’actuelles carrières à ciel ouvert : le dernier projet en date consisterait à transporter les stériles de la baie vers ces carrières et à construire une Marina (achèvement 2010) !!! De l’espoir, oui, mais à quand un début réel des travaux ? A quel coût ? Qu ‘elle est la faisabilité technique ? Avec quel degré de fiabilité à long terme ?
Les gisements : La région est géologiquement très complexe puisque des nappes de charriages de type alpines constituent l’ossature des Sierra (Nevado-Filabride et Alpujaride). C’est la conséquence directe de la collision de la plaque africaine, très proche, sous la plaque européenne. Au Miocène (milieu Tertiaire) des bassins marins se remplissent par des venues hydrothermales sulfurées (peut-être des « fumeurs noirs » du type Mer Rouge). On dénombre deux couches principales de pyrite à blende et galène –les Mantos- localement enrichis sur des fractures formant des filons ou des chevelus filoniens. Ce sont ces objectifs, plus riches et délimités, qui furent exploités de manière souterraine au dix neuvième siècle. L’époque moderne a littéralement recoupée la Sierra par les « cortas »(mines à ciel ouvert) pour exploiter les couches à basse teneur (quoique !) mais à très fort tonnage. Par la même occasion certains travaux souterrains du dix neuvième se retrouvent exposés au jour ! La zone d’oxydation du gisement, énorme, fortement enrichie en oxyde de fer (le chapeau de fer) a été exploitée pour ce métal depuis les romains. Un système volcanique recoupe la Sierra avec un cortège de minéralisations de type « étain de bois » (cassitérite microgrenue) qui ont été exploitées également. En périphérie du massif minier, encaissés dans les calcaires, des gisements de manganèse avec une riche gangue baritique ont été exploités au dix neuvième siécle. Ces exploitations ont suivi des grottes naturelles, parfois très vastes, plus ou moins remplies par les hydroxydes de manganèse d’où une architecture minière irrégulière, déroutante et labyrinthique… On imagine mieux la complexité de cet énorme édifice minéralisé qu’est la Sierra minera de Cartagena !
Les trouvailles : Pour les amateurs que nous sommes, La Union reste un petit coin de paradis. De nombreuses mines anciennes restent accessibles. Il faut d’ailleurs noter que certaines entrées de mine sont à quelques mètres des maisons qui se construisent ici et là… Que penser du risque d’effondrement minier même si on doit pouvoir présumer que les études géologiques ont bien été menées avant ces travaux démesurés… Un excellent numéro de la revue espagnole « Bocamina », éditée par le groupe minéralogique de Madrid, le N° 2 détaille avec beaucoup de précision et d’alléchantes photographies ce qu’il est possible de collecter. Notons simplement que ce numéro est malheureusement épuisé et qu’il reste difficile de se le procurer. La description exhaustive des espèces que l’on peut rencontrer serait longue à reproduire ici mais pour vous donner un aperçu, voici par exemple, ce que l’on y trouve : d’abord la barite, la calcite et le quartz sont trois minéraux incontournables, trouvés sous des formes et couleurs très variées suivant les endroits. Directement liés à l’exploitation minière on y trouve également la gamme des sulfures, carbonates et autres: galène argentifère, pyrite, soufre, blende , hémimorphite, sidérite, pyrolusite, goethite irisée ou pas, smithsonite, opale, gypse, cérusite, malachite, anglésite, aragonite, romanechite, etc. Nous ne sommes pas des récolteurs spécialisés en microminéralogie mais il est évident q’un tel amateur y trouvera largement chaussure à son pied.
Mise en garde : En 2003, nous avions trouvé un district largement accessible en tous points. De nombreux changements significatifs ont eu lieu. Tout d’abord l’apparition partout de panneaux indicateurs tout neufs : danger mines, propriété privée, passage interdit…. D’autre part, il existait une route - chemin praticable menant de la Union à Portman à travers la Sierra Minera. Cette route est désormais fermée sur ses deux accès. Une entreprise a en effet obtenu le droit de ré exploiter les stériles dans le but de les utiliser entre autres lors de la construction des routes. Un ballet incessant de camions effectue chaque jour des rotations vers les carrières. Une société de gardiennage réalise des rondes journalières sur les chemins menant à toutes les mines à ciel ouvert. N’oublions pas la Guardia Civil qui peut également effectuer des contrôles. Alors renforcement des contrôles, prise de conscience d’un danger potentiel, manœuvres cachant des déchargements illicites dans les anciennes carrières ? Côté sécurité il faut néanmoins préciser un point important. Un minéralogiste espagnol, habitant de la région et familier des sites, a trouvé la mort l’année dernière alors qu’il effectuait des travaux dans une mine située sur le territoire de Portman. Il semble qu’une plaque de barite qu’il dégageait soit tombée sur lui, entraînant sa chute et son décès. Les mises en garde ci-dessus sont sans doute, également en rapport avec ce malheureux accident. D’ autre part, des zones de protection de la flore, signalées par des panneaux, sont apparues ; des inventaires archéologiques viennent d’être publiés. Des travaux de nivellement des haldes ont débuté à Llano del Beal. Dans la zone du « camp de golf », des villas ont été construites à dix mètres à peine des entrées de mines avec mise en place de société de gardiennage privée… Côté « préservation » des sites, il faut également noter que les mines espagnoles sont comme les nôtres : on y trouve papiers, bouteilles plastiques, boîtes de conserve, trace de carbure, etc. Le civisme doit rester de mise partout, y compris dans ces endroits peu fréquentés et il est bien dommage de constater que d’autres chercheurs de minéraux laissent ainsi les traces désagréables de leur passage. Des habitants se servent aussi des puits d’aération pour y déverser leurs ordures ! N’oublions pas que nous sommes sur des propriétés privées. Respectons les lieux et nous serons encore acceptés. Notons au passage que par deux fois nous avons eu l’occasion de rencontrer des personnes directement liées avec l’exploitation des carrières ou des mines et qu’à chaque fois, nous avons obtenu un accord « tacite » de prospection…
Logistique : Pour nous parisiens ou provinciaux, cela reste loin : 1 830 km depuis Paris. Prévoir une « descente » sur deux jours ou alors plusieurs chauffeurs par véhicule… Côté hébergement nous avions choisi un hôtel à Cartagène en 2003. Cela reste cher et loin du district pour être facilement à pied d’œuvre pour nos recherches. Nous avons donc opté cette année pour l’hôtel actuellement disponible à La Union : le « Sierra Mar » (informations générales faciles à trouver sur Internet via un moteur de recherche bien connu…). Confort très correct, prix raisonnables, on peut facilement partager une chambre en gardant un peu d’intimité. Pour dîner, il y a beaucoup de restaurants à La Union ou aux alentours. Mais nous ne saurions que trop recommander « La Venta el Descargador », lieu typique, moment d’histoire du patrimoine minier (le minerai était chargé là sur des trains pour être acheminé jusqu’à Cartagène). Ambiance et décoration garanties, cuisine locale et redynamisante, la bière y est fraîche et avant le repas, une assiette de « Jamon y Queso » accompagnée de la sangria maison est toujours la bienvenue… Les mines souterraines anciennes sont creusées dans le manganèse, en atmosphère très sèche et poussiéreuse : en premier lieu cela peut donner l’occasion de bonnes parties de rigolade et de belles photos de « mineurs » à la sortie mais plus sérieusement, prévoir de quoi se frotter encore et encore en n’hésitant pas à apporter sa propre serviette de toilette… Les derniers jours, l’hôtelier ayant vraisemblablement compris le type d’activité que nous pratiquions a remplacé nos belles serviettes de bain blanches par d’autres en bleu marine… Un dernier point : prenez le temps si vous passez par là de visiter le musée minier : grandes salles, bonne muséographie notamment concernant l’histoire des mines, les outils des mineurs et les moyens d’extraction. Une salle réservée aux minéraux du district offre une bonne idée du potentiel minéralogique sans pour autant présenter des pièces d’exception à part une Cronstedtite (silicate de fer) largement classable au niveau mondial…
En conclusion, nous avons eu la chance de partager de belles journées, accompagnés par un temps magnifique déjà très chaud pour la saison. Chacun est revenu avec de belles découvertes et même si c’est bien loin de notre pays, l’espoir d’y retourner un jour, sans aucun doute.
N.b : la bourse locale, fort sympathique et très fréquentée, organisée sous le beau marché couvert, a lieu tout les ans début avril pendant les festivités de la Semaine Sainte. A noter que cette période a été souvent fort « humide » ces dernières années…
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