Les risques volcaniques en Europe
LES RISQUES VOLCANIQUES EN EUROPE - Henry Gaudru - SVE Genève
Après quatre siècles de sommeil, le volcan Pinatubo aux Philippines s’est réveillé en 1991. Il s’est agit de l’une des éruptions volcaniques les plus violentes du 20ème siècle ; elle a fait environ 800 victimes, occasionné le déplacement d’environ 1 million de personnes et provoqué des dégâts majeurs. Le continent européen compte une centaine de volcans dont une trentaine sur le territoire de l’Union Européenne qui ont été actifs au cours des 10 000 dernières années. Depuis le 16ème siècle on a dénombré 140 éruptions rien qu’en Grèce et en Italie. Une éruption majeure aurait des conséquences très lourdes pour la dense population européenne et causerait des dommages important sur l’environnement.
Dans l’Union Européenne, il y a plusieurs volcans qui peuvent menacer directement les habitants de certaines régions et être la cause de problèmes socio-économiques sérieux.
Parmi les pays menacés, l’Italie est sans aucun doute le plus exposé aux risques volcaniques. Le Vésuve, aux abords de la grande cité de Naples est probablement l’un des volcans les plus potentiellement dangereux du Monde avec une population d’environ 600 000 personnes qui devraient être évacuées avant une future éruption et plus d’un million d’autres qui pourraient être soumises aux impacts des retombées de cendres volcaniques. Depuis la célèbre éruption de l’an 79 qui a détruit notamment les villes de Pompeii et Herculanum, le Vésuve a connu plusieurs autres éruptions catastrophiques de grande ampleur. L’absence d’activité depuis sa dernière éruption en 1944 et le fait que le cratère actuel soit obstrué par un bouchon de lave, créent des conditions qui peuvent favoriser une prochaine éruption explosive majeure, voire catastrophique du volcan. De la même manière, la zone volcanique des Champs Phlégréens, au Nord de Naples, compte environ 500 000 habitants qui sont potentiellement menacés en cas de reprise d’activité éruptive. Plus au Sud, en Sicile, l’Etna connaît de fréquentes éruptions souvent effusives, mais il a été prouvé récemment que même une activité explosive de basse énergie peut causer des problèmes importants pour les communications, les infrastructures et l’économie de la région. Sur les îles voisines de l’archipel des Eoliennes, une reprise d’activité éruptive violente de Vulcano, en sommeil depuis 1888-89, aurait également des répercussions importantes sur toute la région. Le Stromboli, quant à lui, bien qu’en activité permanente depuis plusieurs siècles, peut de temps en temps montrer une forme d’activité plus violente, susceptible de perturber la vie sur l’île.
- L’archipel des Açores (Portugal) comprend 9 îles volcaniques. La capitale, Ponta Delgada se trouve sur la plus grande d’entre-elles, Sao Miguel. La ville qui compte 75 000 habitants se situe à environ 15 km de la caldera de Siete Cidades et à quelques dizaines de kilomètres des autres volcans actifs de l’île, le Fogo et le Furnas. Chacun de ces trois volcans, dont les dernières éruptions ne datent que de quelques siècles, sont capables de causer des dégâts de grande ampleur sur l’île. Une éruption, même de petite taille, peut menacer la viabilité sociale et économique totale d’une île comme l’a démontré récemment l’éruption du volcan de la Soufrière Hills sur l’île de Montserrat.
- L’archipel volcanique des Canaries (Espagne) est également une zone où une éruption peut se produire. Notamment, sur l’île de Tenerife, le Pic de Teide (3 718 m) est à lui seul un danger potentiel important pour les populations alentour et les millions de touristes qui visitent l’île chaque année. Une éruption, même minime initialement, et dont l’évolution demeurerait incertaine, pourrait être désastreuse pour l’industrie touristique très développée sur Tenerife.
- En Grèce, quelques îles montrent de nos jours un volcanisme sous la forme d’émanations fumerolliennes, comme par exemple Nysiros. Le volcan de Santorin qui a connu une colossale éruption en 1476 av/JC et dont la dernière activité date de l’année 1950, pourrait aussi causer de sérieux problèmes sur l’île et ses environs suivant le type d’événements éruptifs. Une éruption importante pourrait menacer la sécurité des 10 000 habitants et des nombreux touristes qui séjournent sur l’île.
- En Islande, une île essentiellement volcanique, de nombreux volcans ont été actifs au cours de l’histoire passée et récente. L’éruption du Laki en 1783 a été à l’origine de l’une des plus grandes catastrophes, avec des répercussions importantes sur le climat du continent européen, y compris sur le climat social, les dégradations climatiques ayant même entrainé des famines.
(Voir : L'Islande ou la naissance d'un nouveau monde).
- Les trois autres zones volcaniques européennes apparaissent à priori moins exposées du fait de la plus grande ancienneté de leurs éruptions passées, mais naturellement, les risques ne peuvent être totalement exclus. En France, le Massif Central a connu une activité au début de l’Holocène jusqu’à il y a environ 5 000 ans. Dans l’Ouest de l’Allemagne, la zone volcanique de l’Eifel a été active entre le début du Pléistocène et le commencement de l’Holocène. En Espagne, la zone volcanique quaternaire d’Olot a été active il y a 11 500 ± 1 100 ans.
Le risque volcanique en Europe doit donc être pris en compte sérieusement tant au niveau scientifique, technologique, que social. Selon la formule habituellement utilisée, le risque est vu comme la probabilité d’une perte spécifiée exprimée : risque = aléa x vulnérabilité x éléments à risque. Appliquée à la volcanologie : l’aléa est la probabilité d’une éruption à l’intérieur d’une période de temps donnée pouvant causer des dommages ; la vulnérabilité est le degré de perte au cours d’un événement éruptif de magnitude donnée, l’élément à risque est le nombre de population exposée, de propriétés ou de capacités productives à risque dans une région donnée.
Cette formulation ne représente pas automatiquement une expression mathématique. Elle sert d’abord à exprimer l’intégration des différentes dimensions dans l’évaluation du risque. Mais lorsque l’évaluation du risque est quantitative, les valeurs obtenues varient selon l’élément à risque considéré. On peut prendre le cas d’une population vivant dans une région volcanique spécifique. Il s’agirait dans ce cas de connaître : a) la probabilité d’occurrence de différentes intensités d’éruptions, b) la vulnérabilité, c’est-à-dire le degré de perte possible et c) la population exposée.
Cependant en dépit de son potentiel, une telle approche a rarement été appliquée pour l’évaluation des risques volcaniques dans les régions peuplées d’Europe. Jusqu’à maintenant, les cartes de risques et les scénarios pour les principaux volcans d’Europe ont été la plupart du temps définis sur la base de la dispersion des produits émis au cours des éruptions passées et/ou par des modèles de simulation simplifiés qui peuvent prendre en compte les caractéristiques en trois dimensions des processus dynamiques. A cette approche générale, il faut donc intégrer dans les analyses, des aléas et des risques des études sur la vulnérabilité des édifices et des populations. Les planifications nationales en cas de catastrophes volcaniques doivent inclure des estimations quantitatives afin d’anticiper l’impact d’une éruption, et les effets attendus de nouvelles mesures d’atténuation des risques qui peuvent être adoptées autre que l’évacuation.
Henry Gaudru, conseiller scientifique auprès des Nations-Unies pour la réduction des risques volcaniques SVE-UNISDR, commisssion internationale cities and volcanoes (IAVCEI) - email: info@sveurop.org
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