Lithophyse
Les lithophyses sont une des formes de la silice. La silice SiO2 se rencontre dans la nature de façon commune sous divers aspects. Le plus connu est le quartz qui forme souvent de jolies cristallisations.
Mais la silice peut revêtir un grand nombre de formes dont quelques-unes vous sont sans doute connues : agate, opale, calcédoine, silex…
Les lithophyses se rencontrent sous formes de géodes, extérieurement brunâtres, verdâtres, rosâtres, grisâtres, blanchâtres… avec des formes sphériques ou ellipsoïdales. La surface externe est souvent irrégulière, pustuleuse. Le diamètre moyen varie de quelques centimètres à plus de vingt centimètres parfois, voire beaucoup plus (60 à 80 cm exceptionnellement).
Vues de l’extérieur, ces géodes ne semblent pas présenter beaucoup d’intérêt mais sciées et polies, la variété des structures internes est immense. On peut même s'amuser à leur donner un nom !
En France, de telles géodes se rencontrent dans le massif de l’Estérel mais il en existe aussi aux États-Unis (Orégon), au Mexique, au Nicaragua, en Islande, en Russie… Dans l’Estérel, ces géodes se trouvent dans les coulées de rhyolite du Permien. Elles sont généralement pleines et ne sont plus alors des géodes au sens strict. On les a baptisées lithophyses, du grec lithos, pierre et phusa, bulle.
Pour comprendre leur formation, il faut savoir que les coulées de lave contiennent très souvent des vacuoles de gaz, parfois de grande taille. C’est à l’intérieur de ces vacuoles que la silice se dépose ce qui leur donne une dureté et une inaltérabilité remarquables. Lorsque, ultérieurement, la rhyolite s’est désagrégée, toutes la roche disparait, ou se fragilise et s'altère, sauf les lithophyses que l’on retrouve parfois toutes dégagées.
Lorsqu’on coupe une lithophyse, on peut observer plusieurs parties :
• à l’extérieur, une croûte correspondant à des restes de rhyolite partiellement silicifiée et donc non altérée.
• à l’intérieur, des couches de couleurs diverses (rouge, rose, bleue, grise..) et de formes diverses. C’est de la calcédoine (silice microcristalline) diversement colorée par des oxydes.
Pour comprendre cette structure, il faut savoir que la cavité formée au départ (ancienne bulle de gaz) s’est retrouvée pleine d’«eau chaude» après sa formation, soit au moment de l’éruption, soit plus tardivement. Cette eau (chargée de substances dissoutes) provient d’une eau intersticielle qui a diffusé dans les roches en se chargeant de minéralisations. Cette eau a permis la précipitation du gel colloïdal de silice qui a rempli plus ou moins la cavité. Ce gel s’est transformé en calcédoine par la suite. Puis, leurs conditions de dépôt devenues favorables, se sont déposés les autres minéraux.
L’espace restant (lorsqu’il existe) a pu être rempli ensuite par du quartz (silice cristalline) de l’extérieur vers l’intérieur de la cavité ce qui explique l’orientation vers le centre des cristaux.
La grande variété d’aspect des lithophyses s’explique de plusieurs façons :
• la grosseur de la bulle de départ.
• Le plus ou moins grand remplissage de la cavité lors du dépôt de calcédoine.
• La nature et la concentration des oxydes présents dans l’eau de remplissage.
• La quantité résiduelle de silice, après le dépôt de calcédoine, cristallisera sous forme de quartz qui continuera de remplir plus ou moins, par la suite, l’espace résiduel éventuel.
Une lithophyse, si elle a bien un rapport avec le volcanisme, n’est pas une formation magmatique ou métamorphique mais correspond à de l’hydrothermalisme (cristallisation à partir de substances initialement dissoutes dans de l’eau chaude).
Les lithophyses n'ont pu se former qu'à la base des coulées émises dans un lac post-ignimbritique, elles sont le résultat d'une interaction eau - magma… Parmi les minéraux qui complètent le remplissage des lithophyses, le quartz, l'améthyste (une lithophyse sur 1 000 en moyenne, sauf dans le secteur des Défends, où l'améthyste atteint un grand développement dans les cavités de lithophyses emplies par la calcite), la calcite, la lépidocrocite (ou l'hématite ?) (en inclusions ou à la surface des quartz), une chlorite, la fluorite, l'analcime, des oxydes résiduels, etc. Signalons également, la présence de petits quartz bipyramidés, incolores ou vert bouteille, pris dans la pâte du cortex ; ce sont des paramorphoses de quartz Béta en quartz alpha.
L'oxyde de fer, présent dans les lithophyses, est-il de l'hématite ? ou de la lépidocrocite ?
L'un de nous, sur la foi de ses mauvaises lectures (et de ses mauvaises fréquentations), avait crû bon d'écrire, dans une étude scientifique d'une vingtaine de pages, consacrée aux améthystes du secteur des Défends et publiée en 2000, que l'oxyde de fer était de l'hématite. Cette assertion à donné lieu à polémique, il y a quelques mois, sur Géoforum…
Après discution, il appert que les domaines de stabilité de la lépidocrocite sont très inférieurs à ceux de l'oxyde de fer présent dans les améthystes. On aurait donc plutôt affaire à de l'hématite. Par ailleurs, relire les bouquins qui stagnent depuis trop de temps sur une étagère a toujours du bon ! Deux auteurs, Jaroslav Hyrsl et Gerhard Niedermayr, publiaient en 2003, " Magic World : Inclusions in Quartz ".
Ces auteurs, nous disent : " Hematite inclusions are especially common in amethyst from many worldwide localities… … Cristals often contain… needles of goethite… black to red variety called " beetle-legs ". These " beetle-legs " are usualy described as lepidocrocite but a new investigation has proven their identity as hematite (e.g. White 2000)… "
Et, comme si cela ne suffisait pas, je lis, plus loin : " Lepidocrocite, Rykart (1995) mentionned lepidocrocite as an inclusion in quartz without stating mocalities. This is probably a misidentification of hematite ".
On ne saurait mieux compléter la définition des lithophyses qu'en citant Gilbert Mari. En effet, puisque bien que constituées majoritairement de silice, elles admettent divers autres minéraux dans leur composition globale, on ne peut pas dire que les lithophyses sont des minéraux. Sont-elles pour autant des roches ? ou des constituants de roches ? En convenir est difficile ! elles sont composées de mélanges de minéraux en proportions variables, comme une roche, mais elles sont prises dans une roche… dont elle font partie intégrante, bien que différentes… Gilbert Mari, en 1978, les définissait, très justement, comme " objets pétrographiques ".
Quelques autres photos de lithophyses :
voir aussi l'ouvrage → Les lithophyses du massif de l'Estérel par Gilbert Mari
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