Trilobites : notes sur quelques structures annexes : Différence entre versions
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Sommaire
Trilobites : Notes sur quelques structures « annexes »
Il est fréquent de constater la présence chez de nombreuses espèces de trilobites (ainsi que chez de nombreux arthropodes modernes), de tubercules, granulations, épines, rides diverses, « puits » plus ou moins profonds…etc. Faire la part de ce qui ressort de la pure « ornementation » ou de l’utilité biologique est souvent délicat. A travers quelques exemples armoricains, nous verrons que ces dispositifs (sans doute injustement qualifiés « d’annexes ») ont pu jouer un rôle important dans le développement et le mode de vie des trilobites.
Les « puits » et dépressions
De très nombreuses espèces montrent sur la surface du test, la présence de perforations ou dépressions de dimensions très variées. Ces « puits » peuvent être profonds, ainsi chez Ectillænus giganteus et Panderia beaumonti, (Voir photos 1 & 2) dans les sillons dorsaux, au niveau de chaque anneau du rachis, il est aisé d’observer une profonde dépression circulaire perforant la cuticule. Le rôle de ces perforations fait l’objet de discussions : elles pourraient avoir contenu des « poils sensoriels » ; ces perforations étant présentes à l’extrémité de certaines épines (voir l’épine glabellaire de Dionide mareki – photo 3 ) elles sont parfois interprétées comme ayant eu un rôle d’échanges gazeux dans la fonction respiratoire de l’organisme en position d’enfouissement.
Chez Onnia seunesi et tous les trinucléïdés en général, (voir photos 4 ; 5 & 6) le limbe montre plusieurs rangées de « puits » de forme plus ou moins polygonale ; cette structure perforée qui manifestement traverse totalement l’exosquelette, a pu jouer le rôle de filtre dans l’alimentation de l’animal, cette hypothèse restant à confirmer (voir Fortey et Owens 1999). Antérieurement, Campbell (1975) voyait dans cette structure un récepteur indiquant direction et vitesse du courant..... Pour Jell (1978) le limbe perforé jouait le rôle d'un système respiratoire annexe.
Photo 1 - Détail de la zone thoracique d'Ectillaenus sp. montrant les « puits » au niveau du sillon dorsal droit
(Llanvirn, Le Petit-Beaumont/Hague – Manche – x 3 env.)
Photo 2 - Détail de la zone thoracique de Panderia beaumonti montrant les « puits » au niveau du sillon dorsal droit
(llandeilo, Traveusot en Guichen I & V – x 5 env.)
Photo 3 – Céphalon de Dionide mareki montrant la cicatrice de l'épine glabellaire (Llandeilo – Bain de Bretagne I & V – x 3,5 env.)
Photo 4 – Céphalon d'Onnia seunesi montrant les perforations du limbe (Caradocien d'Ecalgrain / Manche – x 4 env.)
Photo 5 – Détail du limbe d'Onnia seunesi (Caradocien d'Ecalgrain / Manche – x 40)
Photo 6 – Détail du limbe d'Onnia seunesi (Caradocien d'Ecalgrain / Manche – x 40)
Les épines
Il n’est pas question ici des pointes génales qui, pour certains genres, peuvent être très développées (Nobiliasaphus ; Isabelinia ; Dionide ; Onnia – Voir photos 7 ; 8 & 9) mais plutôt des épines plus ou moins longues et effilées, qui parfois se déploient à la périphérie de la carapace ou même également à partir de pointes principales.
Ces structures sont particulièrement développées chez les Odontopleuridæ avec une véritable explosion au dévonien (ordre Lichida). Dans l’ordovicien armoricain, seul le genre Selenopeltis (Voir photos 10 ; 11 & 12) présente en partie ces caractéristiques. L’interprétation la plus communément admise est celle d’un dispositif anti-prédation, une ornementation complexe et imposante devenant un obstacle pour un éventuel prédateur ; un rôle de « stabilisateur » de la carapace, soit en milieu de pleine eau, soit en position de repos sur sédiments meubles (structure porteuse sur des sédiments instables induisant une meilleur répartition de la masse) est également envisageable (Voir Hammann & Rabano, 1987).
Photo 7 – Carapace dorsale incomplète d'Isabelinia glabrata montrant la forte pointe génale (Llandeilo – Bain de Bretagne – I & V – x 1,5 env.)
Photo 8 – Fragment de cranidium de Dionide Mareki montrant la longue pointe génale(Llandeilo – Bain de Bretagne – I & V – x 4 env.)
Photo 9 – fragment de limbe d'Onnia seunesi montrant la longue pointe génale. Remarquer la structure creuse (Caradocien d'Ecalgrain / Manche – x 3 env.)
Photo 10 – Carapace dorsale incomplète de Selenopeltis gallicus (Llandeilo – Bain de Bretagne – I & V – x 2 env.)
Photo 11 – Carapace dorsale incomplète de Selenopeltis gallicus. Détail de la région thoracique (Llandeilo – Bain de Bretagne – I & V – x 5 env.)
Photo 12 - Carapace dorsale incomplète de Selenopeltis gallicus. Détail de la région thoracique (moule externe)
(Llandeilo – Bain de Bretagne – I & V – x 5 env.)
Granulations et tubercules
Granulations et tubercules sont des proéminences qui se différencient principalement par leur taille mais également par leur positionnement sur la carapace.
- Les granulations sont de petite à très petite taille ; elles couvrent parfois de grandes surfaces, parfois même pratiquement l’intégralité de la carapace comme chez Prionocheilus mendax, (Voir photo 13 et 13 bis) ou chez certains Pliomeridæ comme Placoparia (Voir photo 14). Les dimensions sont variables, quelques granulations plus importantes pouvant être disséminées parmi d’autres beaucoup plus réduites. Leur concentration peut varier selon les zones comme chez Neseuretus tristani ou leur nombre augmente en bordure du rostre céphalique ou en bordure des sillons glabellaires (Voir photos 15 ; 16 & 17). Même constatation chez Eccoptochile mariana, ou l'on observe une forte concentration en bordure céphalique, sur la bosse glabellaire ou quelques granules plus isolés sur le pygidium (Voir photos 18 & 19)
Associées à de plus gros tubercules et recouvrant toute la carapace, les granulations pourraient contrarier l'action de prédateurs munis de ventouses (céphalopodes) en rendant ces dernières inopérantes (Voir Chatterton, 1980).
Photo 13 – Carapace dorsale de Prionocheilus mendax montrant l'intense granulation. (Llandeilo – Bain de Bretagne – I & V – x 2,5 env.)
Photo 13 bis – Zone céphalique (moule externe) de Prionocheilus mendax montrant l'intense granulation. (Llandeilo – Bain de Bretagne – I & V – x 5 env.)
Photo 14 – Pygidium de Placoparia montrant l'intense granulation. (Llandeilo – Bain de Bretagne – I & V – x 20 env.)
Photo 15 – Bordure et rostre céphalique de Neseuretus tristani montrant la granulation (Llanvirn - La Hunaudière / I & V – x 4 env.)
Photo 16 – Granulation de la bordure céphalique de Neseuretus tristani (Llandeilo- Bas-Couyer en Mélesse – I & V – x 4 env.)
Photo 17 – Granulation de la glabelle de Neseuretus tristani (Llanvirn; Le Petit-Beaumont / Manche – x 5 env.)
Photo 18 – Forte granulation sur le bourrelet céphalique et la bosse glabellaire d'Eccoptochile mariana
(llandeilo – Traveusot en Guichen / I & V – Champ de 2 cm env.
Photo 19 – Tubercules sur le pygidium d'Eccoptochile sp. (Llanvirn – Le Petit-Beaumont / Manche – Champ de 1,5 cm env.)
. Elles peuvent être absentes comme chez Ectillænus (Voir photo 20), ou occuper une position très précise comme sur la partie antérieure de la bosse glabellaire chez Phacopidina micheli (Voir photos 21 & 22). Leur rôle peut être varié selon l’emplacement, mais la concentration remarquée en zone marginale céphalique (Neseuretus tristani ; Prionocheilus mendax (Voir photo 23) ; Colpocoryphe rouaulti ; Salterocoryphe salteri ; Eccoptochile mariana ; Placoparia…etc) permet d’envisager au moins dans ce cas, une fonction sensorielle (fouille du sédiment).
Photo 20 – Trilobite de type illaenimorphe (Carapace lisse, peu d'ornementation) Ectillaenus giganteus (Llanvirn - Le Petit-Beaumont / Manche – x 1)
Photo 21 – Zone céphalique de Phacopidina micheli montrant les granulations de la bosse glabellaire (Llandeilo, Traveusot en Guichen – I & V – x 10 env.)
Photo 22 – Détail du cliché précédent
Photo 23 – Granulation sur le bourrelet céphalique de Prionocheilus mendax (Llandeilo – Bain de Bretagne – I & V – Champ de 2 cm env.)
- Les tubercules sont de plus grande taille avec une proéminence nettement plus accentuée. Un tubercule principal peut être entouré de plusieurs tubercules de dimensions plus modestes ; ils se regroupent par zones (bordure céphalique chez Dionide mareki (Voir photo 24), cranidium chez Selenopeltis) mais peuvent être isolés, le plus souvent en zone médiane (tubercule médian). Le rôle de ces tubercules n’est pas parfaitement élucidé. Leur positionnement sur la carapace est certainement important ; l’on peut imaginer que la rangée de gros tubercules sur la bordure céphalique de Dionide mareki ait eu un rôle sensoriel voir de défense.
Photo 24 – Rangée de gros tubercules sur la bordure céphalique de Dionide mareki (Champ de 1 cm env.) Llandeilo - Bain de Bretagne / I & V.
Certains tubercules remarquables ont la particularité d’être isolés, en position haute et médiane. Ainsi le tubercule médian de l’anneau occipital se rencontre chez des espèces très variées : Neseuretus tristani ; Guichenia dufouri ; Placoparia tournemini (Voir photos 25 & 26).
Photo 25 – Position du tubercule médian de l'anneau occipital chez Neseuretus tristani (Champ de 1,5 cm env.) Llanvirn / Le Petit-Beaumont / Manche
Photo 26 – Tubercule médian de l'anneau occipital chez Placoparia (Champ de 2 cm env.). Llandeilo - Bain de Bretagne / I & V.
Chez les Asaphidæ, (Nobiliasaphus nobilis ; Isabelinia glabrata) nous rencontrons un tubercule pré-occipital médian (Voir photo 27) ; chez Panderia beaumonti, un tubercule glabellaire médian (Voir photo 28). Ce positionnement en partie haute et médiane est souvent considéré comme optimum pour une fonction sensorielle (peut-être organe de vision ?) (Voir Fortey & Clarkson, 1976)
Photo 27 – Présence d'un tubercule pré-occipital médian chez l'Asaphidae Isabelinia glabrata (Llandeilo - Bain de Bretagne / I & V.) x 2 env.
Photo 28 – Tubercule glabellaire médian (tgm) chez Panderia beaumonti (Llandeilo – Traveusot en Guichen – I & V) x 4 env.
Rides et arêtes
Les « terrasses cuticulaires » se rencontrent prioritairement chez les genres qui se caractérisent par un certain effacement de l’ornementation (Asaphidæ ; Illænidæ) ; ce sont des rides parallèles à la bordure céphalique ou pygidiale qui ont pu jouer un rôle dans l’enfouissement de l’organisme : efficacité du processus d’enfouissement, amélioration de la stabilité de la carapace (Voir photos 29 à 34).
Photo 29 – Terrasses cuticulaires chez Ectillaenus giganteus (Llanvirn – Pléchatel / I & V) x 2,5 env.
Photo 30 – Terrasses cuticulaires chez Ectillaenus giganteus (Llanvirn – Le Petit-Beaumont / Manche) x 2,5 env.
Photo 31 – Rides et terrasses sur la bordure céphalique de Nobiliasaphus nobilis (Llandeilo – Traveusot en Guichen / I & V.) x 4 env.
Photo 32 – Rides et terrasses sur la bordure céphalique de Nobiliasaphus nobilis (Llandeilo – Traveusot en Guichen / I & V.) x 40
Photo 33 – Rides et terrasses sur la bordure céphalique de Isabelinia glabrata (Llandeilo – Bain de Bretagne / I & V.) x 3 env.
Photo 34 - Rides et terrasses sur le pygidium de Nobiliasaphus nobilis (Llandeilo – Traveusot en Guichen / I & V.) x 3 env.
Chez Dionide mareki, nous observons de part et d’autre de la glabelle des rides nombreuses anastomosées, sortes de branches ramifiées appelées cæca (Voir photo 35). Ce réseau dense pourrait être liée à l’anatomie interne et représenter soit un lien avec la respiration cuticulaire, soit avec le système circulatoire (Voir Jell, 1978 ; Chatterton, 1980)
Photo 35 – Détail de la joue droite de Dionide mareki montrant de nombreuses rides anastomosées (cæca)
(Llandeilo – Bain de Bretagne I & V – Champ de 1 cm env.)
Selenopeltis irorathus, présente un champ librigenal couvert d’importantes structures verruqueuses, de forme plus ou moins circulaire, à arêtes fines et irrégulières ; le centre est excavé permettant un lien semble t’il avec l’anatomie interne de l’organisme ( ?) ; là encore, on peut imaginer une fonction liée au système respiratoire ou circulatoire (Voir photos 36 & 37).
Photo 36 – Fragment de cranidium de Selenopeltis irorathus montrant de nombreuses structures verruqueuses (Llandeilo - Bain de Bretagne I & V - x 20)
Photo 37 – Fragment de cranidium de Selenopeltis irorathus montrant de nombreuses structures verruqueuses (Llandeilo - Bain de Bretagne I & V - x 20)
Yvan LEMEUR, le 22/09/2007
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