Tsumeb : Différence entre versions
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− | Ces cristaux (mesurant jusqu'à 2mm) ont permis en 1986 de redéfinir l'espèce : <em>Roberts, A.C., Jambor, J.L., Grice, J.D. (1986) The X-ray crystallography of rosasite from Tsumeb, Namibia. Powder Diffraction: 1: 56-57.</em> Ce faciès était jusqu'alors inconnu pour ce minéral | + | Ces cristaux (mesurant jusqu'à 2mm) ont permis en 1986 de redéfinir l'espèce : <em>Roberts, A.C., Jambor, J.L., Grice, J.D. (1986) The X-ray crystallography of rosasite from Tsumeb, Namibia. Powder Diffraction: 1: 56-57.</em> Ce faciès était jusqu'alors inconnu pour ce minéral. |
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Version actuelle datée du 30 décembre 2021 à 17:03
(Article réalisé par JEAN DOMINIQUE LUPORSI)
UN PEU D’HISTOIRE
Il était une fois… une colline verte
Le mot Tsumeb dérive du mot herero « Otjisume » (qui signifierait « le lieu des mousses »), référence peut-être à la couleur verte du premier affleurement teinté de malachite et autres oxydes de cuivre qui existait à l’époque ; à moins que ce ne soit en raison du caractère très instable du sol (de par sa nature karstique) risquant de s’effondrer à tout moment… Ce lieu était donc déjà connu avant l’arrivée des premiers européens par les Damaras et les Buchimans, qui en extrayaient de la surface du minerai de cuivre afin de le fondre et de commercer avec les Ovambos voisins. Le site ressemble à cette époque à une colline verte (« the Green Hill ») de 180 mètres de long, 40 mètres de large et 12 mètres de hauteur.
L’arrivée des européens
En 1851, Sir Francis Galton, un explorateur anglais, séjourne près du lac Otjikoto (situé à 20 kilomètres à l’ouest de Tsumeb) et rencontre des Buchimans qui transportent du minerai de cuivre ; sans savoir d’où ce dernier provenait, il mentionne pour la première fois dans son journal la présence de mines potentielles en Namibie.
Le premier spécimen minéralogique connu attribué à la mine de Tsumeb, un morceau de cuprite rapporté par un navigateur, est daté de 1860.
Will Jordan, un chasseur d’éléphants, achète les terres avoisinantes en 1885 au chef de la tribu Owambo (pour 300 livres, 25 pistolets, un cheval et un tonneau de brandy…) ; malheureusement pour lui, il est assassiné l’année suivante. Le sud-ouest de l’Afrique étant devenu un protectorat allemand, la concession des futures mines de cuivre d’Otavi est accordée à la South West Africa Company, britannique, à la condition qu’elle développe port et voies ferrées, et organise un programme de prospection minière. Un premier lot de minerais de Tsumeb est ainsi envoyé pour analyses au Musée de Berlin en 1887.
Le responsable de ce programme, un certain Mathew Rogers, est le premier européen à arriver à Tsumeb le 12 janvier 1893 ; il écrit alors cette phrase prophétique : « je n’ai jamais vu un tel spectacle qu’à (…) Soomeb (sic) et doute beaucoup si j’en verrai un tel dans une autre localité »...
En 1900, en manque de liquidités, la South West Africa Company contacte les banques allemandes pour fonder la Otavi Minen- und Eisenbahn- Gesellschaft (OMEG). Les opérations d’installation débutent en août de la même année.
La ville de Tsumeb est fondée en 1905, attirant les Ovambos voisins embauchés comme premiers mineurs.
En 1906 est décrite la toute première espèce propre à Tsumeb, un carbonate de cadmium, l’otavite.
La mine est raccordée au lac Otjikoto voisin par une canalisation en 1907, et peut (enfin !) entrer en activité au mois d’avril. La colline verte est progressivement et entièrement rasée, et l’exploitation des premiers niveaux, la première zone d’oxydation, se fait à ciel ouvert, notamment grâce à deux grands rails inclinés, appelés « Himmelsleiter » (« Echelle de Jacob »).
On atteint le 6ème niveau en 1914, et l’on devine que le minerai s’étend beaucoup plus loin en profondeur, quand débute la première guerre mondiale, mettant la production à l’arrêt.
L’entre-deux guerres
La reprise des activités est assez difficile après la déroute de l’armée allemande à Khorab en 1915 (qui abandonne tout son armement dans le lac Otjikoto).
Le « Puits Numéro Un » est construit en 1922 (il sera plus tard rebaptisé « Puits Friederich Wilhelm » en l’honneur de F.W. Kegel, directeur de la mine à l’époque) et descend alors jusqu’au 8ème niveau.
C’est justement en visitant ce 8ème niveau le 10 décembre 1929 que Sam Gordon, un minéralogiste américain de Philadelphie, a l’immense chance de découvrir le jour-même l’une des plus extraordinaires poche d’azurite de l’Histoire, dont il partagera des échantillons avec Kegel ; la « Gordon/Kegel Pocket » marque vraiment le début de la célébrité minéralogique de Tsumeb dans le monde.
Kegel fut un collectionneur compulsif de Tsumeb jusqu’à sa mort, tout comme Wilhelm Klein avant lui (précédant directeur de la mine, et à qui l’on doit dès les années 20 les premières photographies de spécimens !) ; la collection de Kegel fut remarquable par sa grande qualité et par le fait qu’il répertoriait systématiquement le niveau exact de chaque découverte (ce qui nous est encore fort utile de nos jours pour comprendre la minéralogie de la première zone d’oxydation) ; elle fut cédée à sa mort à la Smithsonian Institution pour 3800 dollars de l’époque (1 tonne et demi d’échantillons tout de même !), où elle peut toujours en partie être admirée aujourd'hui.
Le « Puits Friederich Wilhelm » atteint le 16ème niveau en 1931 lorsque la grande dépression (et la chute du cours des minerais qui s’ensuit) interrompt de nouveau l’exploitation; il faudra attendre 1937 pour que les activités reprennent.
Les mineurs travaillent au 20ème niveau en 1939 lorsqu’éclate la seconde guerre mondiale ; les biens de l’OMEG sont saisis en 1940 par l’Union d’Afrique du Sud et les opérations minières sont suspendues jusqu’en 1946.
L’après-guerre
La mine est vendue en 1947 à la Tsumeb Corporation Limited, un consortium américain, britannique, et sud-africain qui l’exploitera pendant toute la seconde moitié du XXème siècle. Ce changement de propriétaire implique tout un programme d’expansion des activités minières et de la ville.
Les études géologiques ayant prouvé que le dépôt s’élargissait en profondeur, il est décidé de creuser un nouveau puits jusqu’au 30ème niveau (1006 mètres sous la surface), le puits De Wet, inauguré en 1949 ; il n’est réellement mis en activité qu’en 1953, remontant tout d’abord uniquement des déblais stériles, jusqu’à ce que la zone minéralisée soit atteinte en 1957 ; avec une grande surprise, on constate que le minerai y est très oxydé, la roche très fissurée et infiltrée d’eau… On vient de découvrir la seconde zone d’oxydation ! Cela implique par ailleurs l’installation de nouveaux générateurs électriques et pompes hydrauliques afin d’évacuer les énormes quantités d’eau présentes à cette profondeur.
De nouvelles usines de traitement sont également construites à cette époque, l’extraction des métaux à partir du minerai polymétallique, riche en sulfures et oxydes, ayant toujours été complexe à Tsumeb (en particulier pour ce qui est du zinc) ; un circuit de flottation est installé en 1954 pour récupérer le germanium ; de nouvelles fonderies dédiées au cuivre et au plomb sont construites entre 1959 et 1960.
Les années 60 et 70
On atteint le 34ème niveau au milieu des années 60 et les forages indiquent que la masse de minerai s’étend au moins jusqu’à la profondeur de 1326 mètres (40ème niveau). La production culmine à 733 000 tonnes de minerai durant l’année 1965 (le record de l’exploitation), mais des problèmes d’éboulement (notamment en 1967 et en 1974), liés au caractère karstique de la roche engainante, viennent compliquer les choses.
On commence donc à cette époque à mécaniser l’excavation, permettant d’atteindre un nouveau pic de production de 433 000 tonnes en 1974, tandis que l’on creuse au 38ème niveau (1274 mètres de profondeur).
Les années 70 sont l’âge d’or des dioptases, découvertes dans la seconde zone d’oxydation, entre les 29ème et 35ème niveaux, avec de nombreuses poches pouvant parfois mesurer plusieurs mètres de large; j’en reparlerai très probablement plus tard quand nous posterons les photographies de nos spécimens sur ce fil, la documentation de ces poches étant assez fournie à cette époque. Pour Charles L. Key (1996), la valeur marchande des dioptases trouvées à cette époque « devance celle de tous les autres minéraux trouvés à Tsumeb, loin devant celle des azurites »…
Les années 80 et 90
Mais tout à une fin…
Tsumeb Corporation Limited est vendue en 1988 à Gold Fields South Africa Limited, la fonderie de plomb ferme en 1994.
Tandis que les mineurs doivent creuser de plus en plus profondément, la qualité du minerai s’appauvrit, les coûts du pompage augmentent… Et puis les cours du minerai s’effondrent au milieu des années 90. On délaisse les niveaux inférieurs, et les travaux continuent un peu dans les niveaux supérieurs (permettant ainsi encore la découverte en 1994 au 8ème niveau de la dernière « grosse » poche de cristaux d’azurite, la célèbre Easter Pocket).
La dernière belle découverte minéralogique a lieu en février 1996 (une poche de cérusites rougies par des inclusions de chalcotrichite, sur un lit de malachite…)
Des grèves éclatent à l’été 1996, les pompes sont mises à l’arrêt, provoquant l’inondation des niveaux inférieurs. Au moment de la fermeture en août 1996, la mine s’enfonçait jusqu’au 48ème niveau (1650 mètres de profondeur). Près de 25 millions de tonnes de minerai auront été extraites durant l’histoire de Tsumeb (dont 2.8 millions de tonnes de plomb, 1.7 millions de tonnes de cuivre, 0.9 millions de tonnes de zinc et 80 tonnes de germanium) !
Après la fermeture
Gold Fields South Africa Limited fait faillite en 1998. Au début des années 2000, la Haute Cour de Namibie autorise une entreprise locale, Ongopolo Mining and Processing Limited, à reprendre l’exploitation de Tsumeb et des mines avoisinantes (Khusib Springs, Otjihase, Kombat), et surtout de la fonderie de cuivre. Les niveaux supérieurs de la mine sont brièvement à nouveau exploités, surtout à la recherche de spécimens de collection, sans grand succès hélas (on ne découvre que quelques poches d’azurite de qualité lapidaire), jusqu’à la fermeture définitive en 2008…
L’histoire de Tsumeb est néanmoins loin d’être terminée ! Si aucun échantillon ne sort plus de terre, l’inventaire de l’incroyable quantité et diversité des spécimens récoltés continue de nous émerveiller ; plus de 50 nouvelles espèces ont ainsi été décrites depuis la fermeture en 1996, et les publications se poursuivent ! 318 espèces différentes y ont été répertoriées au jour de la rédaction de cet article (d’après mindat), dont 72 dont elle est la localité-type, et une cinquantaine qui n’ont été inventoriées qu’à cet endroit !
A ce jour (2019), le puits De Wet surplombe toujours la rue principale de la ville, et la fonderie de cuivre (propriété maintenant de Dundee Precious Metals) est toujours en activité, traitant des minerais provenant de Namibie et d’autres pays africains…
Ailleurs en Namibie dans les monts Otavi, d’autres dépôts polymétalliques ont été retrouvés, par exemple à Berg Aukas (mine de vanadium, plomb et zinc, et qui a produit de superbes descloizites dans les années 70) ou encore à Khusib Springs (cuivre, plomb et zinc). Reste-t-il un autre Tsumeb à découvrir ? Souhaitons-le de tout cœur !
UN PEU DE GEOLOGIE
Structure
Le dépôt minier prend la forme d’un tuyau très étroit qui s’étend quasi verticalement sur près de 1700 mètres.
Elle suit d’abord les couches de dolomie avec un angle d’environ 50 degrés.
Puis à environ 600 mètres de profondeur le tube minéralisé oblique vers le nord, et pénètre alors quasi perpendiculairement une strate de dolomie claire, tout en s’élargissant de 25 mètres de diamètre à près de 180 mètres de long sur 80 mètres de large. A cet endroit, la section du tube montre un aspect en « fer à cheval », comportant deux veines de minerai massives, deux lentilles, contenant près de 30% de métal, l’une au nord (constituée de sulfures de plomb et de zinc) et l’autre au sud (comportant plomb, zinc et cuivre). L’espace entre ces deux veines est constitué de dolomie claire brèchifiée.
Le reste du tube est constitué d’un grès feldspathique (« pseudo-aplite »). A une profondeur de 1100 mètres, le dépôt se rétrécit et plonge vers le sud. A 1300 mètres, il s’élargit de nouveau et oblique vers le nord, prenant la forme cette fois-ci d’une unique lentille de minerai jusqu’à 1800 mètres.
Formation du tube
La mine de Tsumeb est exceptionnelle de par la diversité et l’abondance des minéraux produits, contenant cuivre, zinc, plomb, arsenic, fer, cobalt, antimoine, molybdène, germanium, gallium, argent, cobalt, vanadium, étain, nickel, mercure… La géologie du site a été étudiée scientifiquement dès les années 60 (Söhnge, 1964). Tsumeb est située sur la bordure nord d'un vaste synclinal du massif des monts Otavi au nord-est de la Namibie, au milieu d’affleurements de dolomie noire. Ce synclinal est-ouest explique la très forte inclinaison des bancs de dolomie vers le sud (jusqu'à l'inversion rencontrée dans la seconde zone d'oxydation). La formation du dépôt minéralisé a longtemps été une énigme géologique, jusqu’à l’hypothèse d’une origine karstique.
Tsumeb se trouve en effet dans une épaisse couche (jusqu’à 6700 mètres) de roches sédimentaires carbonatées, principalement constituées de dolomie (stromatolithique et oolithique) et de calcaire, et recoupées d’horizons schisteux et de mudstone. Ces roches se sont formées au néoprotérozoïque, et se décomposent ainsi :
- Groupe Mulden, comportant la formation Tschudi (grès feldspathiques, argilites, conglomérats, grauwackes) où se situait la "Colline Verte".
- Groupe Otavi, comportant :
- la formation Huttenberg (dolomie avec lentilles de calcite) jusqu'à 1000 m de profondeur.
- la formation Elansdshoek (dolomie) au-delà et jusqu'à la plus grande profondeur atteinte par les sondages (1800 m).
- la formation Huttenberg (dolomie avec lentilles de calcite) jusqu'à 1000 m de profondeur.
Le toit de cette couche carbonatée se serait effondré il y a 660 Ma, puis des épisodes de transgression marine au cours des 100 Ma suivantes auraient permis la dissolution du calcaire et le remplissage du tube ainsi laissé par des sédiments sableux, qui finiront par se recristalliser en quartzite.
Dans le même temps, il y a 650 Ma, débute l’orogenèse de la chaîne des Damaras, avec un rapprochement des deux cratons du Congo et du Kalahari, et l’initiation de phénomènes hydrothermaux ; ainsi à partir de 550 Ma, la percolation du puits par des fluides chauds et riches en éléments chimiques permet sa minéralisation.
Minéralisation du dépôt
Les précipitations très abondantes dans cette région au climat subtropical (600 mm par an) ont permis la dissolution partielle des roches carbonatées jusqu’à d’importantes profondeurs. Par ailleurs, le développement du tube minéralisé a comme on l’a vu été la résultante de phénomènes hydrothermaux, avec des fluides chauds riches en éléments chimiques ; ces fluides ont emprunté les lignes de fracture et les failles, il y a environ 550 millions d’années, rencontrant les roches carbonatées, les fracturant, les imprégnant de solution saturée, permettant leur brèchification.
Les principaux constituants du minerai primaire, hypogène, sont donc des sulfures : bornite, tennantite, chalcocite (avec des masses de plusieurs de dizaines de mètres cubes), galène, énargite (surtout dans les niveaux supérieurs), et sphalérite. On retrouve également un peu de pyrite, souvent microcristalisée (malgré la richesse et la diversité des métaux, le tube était relativement déficient en fer), et un peu de germanite et de reniérite (minerais de germanium). On observe enfin un peu d’argent (notamment dans la tennantite, principal minerai argentifère de la mine, dont le contenu en argent croît avec la profondeur), et très peu d’or (dans la chalcopyrite, sulfure présent en faible quantité à Tsumeb).
En raison de la nature karstique du sol, et contrairement à la plupart des dépôts miniers, le niveau des eaux souterraines n’est pas constant à Tsumeb, ce qui explique la grande variété des minéraux secondaires observés. L’eau s’écoule à travers les interstices et les cavités dans la roche, infiltrant le minerai primaire constitué de sulfures, en dissolvant certains éléments (la sphalérite en premier, les sulfures de cuivre ensuite, tandis que la galène est pratiquement insoluble). Après cette dissolution peut commencer l’oxydation des minéraux mis en solution, des sulfures en sulfates, des arséniures (comme la tennantite) en arséniates et arsenites. Les eaux météoriques interagissent également avec les roches carbonatées, permettant l’apparition de carbonates (azurite, malachite, smithsonite, cérusite). Par endroits, la dissolution des minéraux secondaires permet de nouveau la précipitation vers les profondeurs d’éléments natifs comme le cuivre (ce qu’on appelle la cémentation)… La cristallisation des minéraux secondaires va dépendre de conditions physiques (température) et chimiques (pH, concentration)…
L’incroyable diversité et abondance des minéraux de la mine de Tsumeb n’aurait pas pu exister sans l’existence de ses trois zones d’oxydation, s’étirant verticalement le long du dépôt :
La première zone d’oxydation, entre la surface (la colline verte) et le 11ème niveau (350 mètres de profondeur), est liée aux fluctuations de la nappe phréatique. On y a donc trouvé les plus belles azurites, les rarissimes otavites, les pseudomorphoses de mimétite en bayldonite et autres arséniates de cuivre…
La seconde zone d’oxydation, entre les 24ème et 35ème niveaux, est liée à l’intersection du tube avec une fracture appelée « Zone de Faille Nord » (North Break Zone) au 29ème niveau. C’est l’étage des importantes découvertes de dioptases, de cérusites maclées en « flocons de neige » (trouvées dans la galène de la lentille sud, aux 25ème et 26ème niveaux), de la plupart des belles wulfénites caramel…
La troisième zone d’oxydation s’étend entre les 42ème et 48ème niveaux ; ce fut une grande surprise vers la fin de l’exploitation de découvrir des minéraux oxydés à une telle profondeur, et l’on suppose que cette oxydation résulte d’un apport d’eau par une fracture karstique ou tectonique qui la relie à la Zone de Faille Nord. Le minerai y est assez riche en germanium, et elle est réputée pour sa minéralogie quelque peu étrange mais néanmoins sympathique (ludlockite, leiteite, legrandite, paradamite, « Zinc Pocket »…).
ET BEAUCOUP DE MINERALOGIE
Pour reprendre la classification de Strunz, sur les quelques 318 espèces décrites à Tsumeb (ce chiffre continue d’augmenter régulièrement), 30% environ appartiennent à la classe des phosphates, arséniates et vanadates. Puis viennent par ordre décroissant d’occurrence les sulfures, les oxydes, les sulfates, les carbonates, les silicates, les éléments natifs et les halogénures (deux espèces seulement pour ces derniers, fluorine et prosopite).
ANGLESITE
Ce minéral est relativement fréquent dans chacune des 3 zones d’oxydation, quasiment toujours associé à la galène. Des cristaux de près de 50cm ont pu être observés.
ARAGONITE
Cette espèce est assez commune, surtout dans la première et la seconde zones d’oxydations ; elle peut revêtir divers habitus à Tsumeb :
-Aragonite plumbifère, dite tarnowitzite
Cette variété d'aragonite d’abord nommée d'après la ville de Tarnowskie Góry (Tarnowitz) (Haute-Silésie, Pologne) a été décrite à Tsumeb par O'Daniel en 1930.
-Aragonite zincifère, dite nicholsonite
-Encroutements botryoïdaux, souvent de coloration bleutée ou verdâtre de par la présence de sels de cuivre, constitués en néoformation sur les parois des galeries.
AZURITE
Cette espèce est relativement abondante dans la première zone d'oxydation, où plusieurs poches célèbres ont notamment été découvertes, jusqu'à 400 mètres de profondeur. Des trouvailles ont eu lieu durant toute l'histoire de la mine, car les premiers niveaux ont toujours été exploités, simultanément aux plus profonds, et ce jusqu'au milieu des années 90; pour faire fonctionner les fonderies, il était en effet nécessaire d'ajouter aux minerais riches en sulfures (provenant des niveaux inférieurs) des roches carbonatées (plus faciles à extraire près de la surface).
-La Gordon/Kegel Pocket, dont nous avons déjà parlé, fut ouverte dans la matinée du 10 décembre 1929 par Sam Gordon dans une zone du 8ème niveau où le directeur Wilhelm Klein lui avait permis de fouiller (car il pensait ce recoin stérile...). Émerveillé de contempler des cristaux avoisinant les 15 cm, Gordon passa plusieurs heures à y travailler en silence (pour ne pas attirer trop l'attention de ses voisins) avant que la nouvelle de la découverte ne se répande... Il dut rapidement rendre des comptes, à Klein, puis à Kegel, avec qui il fut contraint de partager la moitié de ses trésors. Et quand il revint à la poche l'après-midi, tout ce qu'il n'avait pas déjà pu extraire le matin avait été pillé ou détruit, à la dynamite et au marteau... La matrice de ces azurites est un assemblage très friable de carbonates (smithsonite) et d'arséniates (conichalcite). Pour ceux qui voudraient en apprendre plus, je vous conseille la lecture de The Mineralogical Record (1978, vol 8 (3), pp 51-53).
-La Easter Pocket quant à elle fut découverte en 1994, quelques jours avant Pâques (d'où son nom), également au 8ème niveau. La poche mesurait 2 mètres de long par 80 cm de large, complètement tapissée de ces cristaux bleus magnifiques, et fut en partie endommagée à son ouverture par la dynamite. Les prismes d'azurite, tabulaires, brillants, non altérés, y mesuraient jusqu'à 5 cm ; leur aspect très particulier fait penser à des cristaux de wulfénite (avec 2 axes de longueur plus ou moins comparable), d'une couleur bleue violacée unique, translucides sous une forte lumière; de nombreux spécimens étaient flottants, faciles à décrocher des parois "comme les pommes d'un arbre" (d'après Gebhard); enfin ils étaient associés à de la malachite à l'entrée de la poche, et pour le reste à de la cérusite, de l'anglésite, et de l'arsentsumébite.
Plus sporadiquement, d'autres poches ont également été trouvées dans la seconde zone d'oxydation :
-La Perkins Sams Pocket(du nom d'un homme d'affaire qui en acheta la plupart des échantillons pour les offrir au musée de Houston) fut ouverte à la fin des années 80 au 35ème niveau, probablement dans la galerie nord-ouest. Les cristaux extraits sont massifs, polyédriques, pouvant mesurer une quinzaine de centimètres, en grande partie altérés en malachite soyeuse et chatoyante, associés à une brèche silicifiée; ils sont souvent recouverts d'une seconde génération d'azurite, sous la forme de petits cristaux bleus-électriques, placés à la terminaison des plus gros et aussi à la jonction avec les zones d'altération en malachite.
-Enfin citons l'Azurite de Newmont, que Lawrence H. Conklin estimait être "le plus beau spécimen minéralogique au monde" (2016)... Elle fut trouvée probablement en 1962 (faussement attribuée à 1952), dans la 80ème galerie ouest du 28ème niveau. C'est un "monstre", qui comporte plusieurs cristaux terminés et intacts, mesurant jusqu'à18 cm, tapissant une cavité ouverte dont la matrice est constituée de calcite. L'histoire dit qu'un mineur paya avec elle son ardoise à l'Hôtel Eckleben, et qu'elle resta quelque temps exposée derrière le comptoir avant d'être sauvée par Charles E. Stott...
BAYLDONITE
Assez commune dans la première zone d’oxydation où elle se présente souvent sous la forme d’encroûtements poudreux, la bayldonite peut plus sporadiquement selon les poches prendre la forme de cristaux tabulaires pseudohexagonaux verdâtres, et surtout réaliser des pseudomorphoses après mimétite ; ce type de pseudomorphose est un grand "classique" des découvertes de la première zone d'oxydation, dans le premier tiers du XXème siècle ; d’ailleurs si les étiquettes des anciennes collections font état la plupart du temps de "bayldonit pseudomorph nach mimetesit" (en allemand dans le texte), des analyses plus récentes ont montré qu'il s'agissait souvent plutôt d'arsentsumebite (mais pas toujours!).
CALCITE
La calcite est l'un des minéraux les plus abondants à Tsumeb (sinon le plus fréquent).
Elle est quasiment absente des anciennes collections, probablement car les échantillons de qualité étaient plutôt rares dans la première zone d'oxydation, lessivée par les eaux météoriques; toutefois il ne faut pas oublier que les mineurs prenaient de gros risques pour remonter des spécimens en vue de les revendre (ils les cachaient par exemple dans leur pantalon de travail ou, certains l'ont attesté, dans leur bouche!) ; se faire pincer et virer pour une précieuse azurite pourquoi pas, alors que pour une "banale" calcite...
C'est surtout après les découvertes des seconde et troisième zones d'oxydation que les beaux spécimens envahirent les bourses et les vitrines, pour notre plus grand bonheur. Toutes sortes de cristallisations coexistent (rhomboèdres évidemment le plus souvent, mais aussi scalénoèdres dont les "dents-de-cochon" et autres "têtes-de-clou", pseudo-cubes...), avec des cristaux de toutes tailles (des calcites de plus de 20cm sont répertoriées), avec toute une gamme de couleurs (de l'incolore au noir) liées évidemment aux inclusions microscopiques (de minéraux, voire d'ions métalliques), citons :
-rouge sang : hématite
-rouge orangé : cuprite ou minium
-blanc : cations plomb ("plumbocalcite", comme sur le specimen recouvert de duftite qui est montré à la rubrique Duftite)
-bleu : dioptase ou cations cuivre (à noter par exemple une poche de calcites bleutées au 43ème niveau)
-vert : malachite, conichalcite, duftite ou cations cuivre ("cuprocalcite", par exemple dans la "Ice-Cream Pocket")
-vert foncé et noir : mottramite
-rose : cations cobalt ("cobaltocalcite")
Et sans oublier les associations (on a déjà posté plus haut des spécimens de calcite recouverte de dioptase ou de duftite provenant de la seconde zone d'oxydation), car on la retrouve associée à à peu près tout! Quant aux pseudomorphoses, citons les calcites après cérusite et après mimétite...
Enfin il convient aussi de parler de 2 poches célèbres:
- La "Ice-cream Pocket", découverte en 1977 probablement dans la seconde zone d'oxydation, et qui est connue pour ses magnifiques rhomboèdres vert-pastel dont la surface est saupoudrée d'une seconde génération de microcristaux.
- Et surtout le "Crystal Palace", qui est la plus grosse poche jamais découverte dans la mine, en décembre 1990, au 43ème niveau (-1440 mètres, troisième zone d'oxydation). Imaginez donc ses dimensions : 8x5x3 mètres! Les parois étaient intégralement recouvertes de cristaux de calcite, pouvant mesurer jusqu'à 4 cm, reposant sur un lit de conichalcite; ce ne sont pas forcément les plus jolies calcites que Tsumeb ait produites (enfin pour moi, je les trouve assez ternes...), mais la taille exceptionnelle de cette poche mérite qu'on la cite pour la postérité !
CARMINITE
La carminite est un minéral très rare à Tsumeb, observé à priori uniquement dans la seconde zone d'oxydation (30ème niveau principalement, avec des agrégats aciculaires avoisinant le centimètre, considérés par Ludi Von Bezing comme les plus beaux pour l'espèce). L'assemblage typique est celui que je viens de vous montrer avec présence de gartrellite, de beudantite, d'anglésite...; des associations encore plus rares avec de la tsumcorite ou de la scorodite sont également rapportées.
CERUSITE
La cérusite est le minéral secondaire du cuivre le plus abondant à Tsumeb, rencontrée dans chacune des 3 zones d’oxydation. Elle forme très souvent des macles cycliques, avec des spécimens assez fabuleux (aspect en « snowflake » ou « flocon de neige ») découverts dans la galène massive de la lentille sud, aux 25ème et 26ème niveaux (extraction à partir des années 30 et surtout 60 jusqu'au milieu des années 70).
On citera pour la postérité une poche, la « Lead Pocket», découverte au 43ème niveau (troisième zone d’oxydation) et où les cristaux de cérusite on fait l’objet d’une pseudomorphose partielle en hydrocérusite.
CONICHALCITE
La conichalcite -CaCuAsO4)(OH)- est un arséniate de cuivre assez commun dans les trois zones d’oxydation, où elle se présente sous la forme d’encroûtements, de masses irrégulières, ou parfois de globules millimétriques. Comme elle forme des séries, par exemple avec la duftite -PbCu(AsO4)(OH)- par substitution du cuivre par le plomb, ou avec la tangéite -CaCu(VO4)(OH)- par remplacement de l’arsenic par le vanadium, l’identification de cette espèce est relativement délicate sans analyses poussées.
CUIVRE NATIF
De beaux cristaux de cuivre natif ont été décrits par Klein aux 7ème et 8ème niveaux de la première zone d’oxydation en 1938 ; des cristaux arborescents ont été assez fréquemment rencontrés par la suite dans la seconde zone d’oxydation, avec parfois même des pseudomorphoses en cuprite ou en malachite.
CUPRITE
L’on a vu que le tout premier spécimen minéralogique attribué à la mine de Tsumeb vers 1860 est un bloc de cuprite massive. Cet oxyde de cuivre est commun dans les 3 zones d’oxydation, se présentant sous la forme de petits cubes, d’octaèdres et de dodécaèdres ; des cristaux de près de 50mm ont même été décrits au 44ème niveau (3ème zone d’oxydation). On signalera encore de rares mais exceptionnelles occurrences de cuprite aciculaire rouge-orangée (sa variété chalcotrichite), parfois libre, et parfois en inclusions dans de la calcite ou de la cérusite.
DIOPTASE
Si l'on devait choisir un minéral emblématique de cette localité, je pense que sans nul doute ce serait la dioptase. Les cristaux centimétriques étaient légion, le plus grand répertorié avoisine les 5 centimètres ! Pour le grand collectionneur Charles Key, la valeur marchande des dioptases trouvées à cette époque « devance celle de tous les autres minéraux trouvés à Tsumeb, loin devant celle des azurites ».
Les dioptases sont absentes de la première zone d'oxydation; on en trouve donc aucune trace dans les vieilles collections, si ce n'est de vieux spécimens faussement attribués à Tsumeb et qui proviennent en réalité de la mine de Guchab, à Grootfontein (à 50km de là).
Dans la seconde zone d'oxydation, les découvertes ont eu lieu à partir de 1975, principalement entre les 29ème et 32ème niveaux de la mine (et surtout au 30ème), puis furent tellement nombreuses que les vendeurs des années 80 priaient pour que l'on remonte d'autres minéraux que cette "ennuyeuse couleur verte" (sic, Gebhard). De nombreux mineurs sont devenus riches grâce aux dioptases, et l'un des derniers directeurs de la mine en était tellement fou qu'il avait la réputation de descendre durant la nuit pour essayer d'en trouver par lui-même...
Enfin, à la fin des années 80, de belles découvertes ont eu lieu dans la troisième zone d'oxydation, au 44ème niveau, avec des cristaux d'un vert très particulier (en raison de leur intrication avec de la malachite et de la conichalcite microcristallisées), la plupart du temps microcristallisés, en placage sur de la calcite (du plus bel effet!), mais parfois centimétriques.
A noter que l'on retrouve parfois en circulation des dioptases bleues, qui sont en fait des "faux spécimens minéralogiques", chauffées comme les améthystes brésiliennes pour imiter les citrines.
Le type de pièce présenté ci-dessous, en épimorphose sur des rhomboèdres de calcite, a surtout été retrouvé dans des poches du 32ème niveau. Mais comme c'est une association classique, elle peut aussi venir des 2 niveaux juste au dessus.
Ces dioptases magnifiques trouvées dans la seconde zone d'oxydation, entre les 29ème et 32ème niveaux comme on l'a déjà dit, sont très souvent associées à des cristaux de la famille des carbonates, comme la calcite.
Si vous avez la chance d'avoir en main un spécimen de la seconde zone d'oxydation, comme celui présenté ci-dessus, il y une petite chance que ce fameux carbonate ne soit pas de la calcite, mais une espèce nommée minrecordite ( CaZn(CO3 )2 ), décrite en 1982 et nommée en l'honneur du "Mineralogical Record magazine".
(Garavelli et al.); ce minéral du groupe de la dolomite est facilement confondu avec elle, et seule une analyse permet effectivement d'en prouver la présence; les cristaux de minrecordite sont décrits à Tsumeb (dont c'est évidemment une fois de plus pour cette espèce la localité-type) comme de petits rhomboèdres d'une couleur blanc-laiteuse, ne dépassant pas la taille d'un demi millimètre, et toujours associés à de la dioptase (on ignore encore la raison de cette paragenèse).
DOLOMITE
Ce type de "moulage" est courant dans les première et seconde zones d'oxydation. La couleur de la dolomite est fortement influencée à Tsumeb par la présence de métaux de transition: cuivre, zinc, cobalt, manganèse... On connait des épimorphoses et pseudomorphoses de dolomite après calcite comme ici, mais aussi après tennantite, wulfénite, azurite... La dolomite a même pu être exploitée localement comme minerai, contenant par endroits jusqu'à 9% de plomb et 5% de zinc (Hurlbut, 1957)
DUFTITE
Tsumeb est la localité type de la duftite (d'abord appelée parabayldonite par Friederich Karl Biehl en 1919, puis décrite en 1920 par Otto Pufahl, et nommée ainsi en l'honneur de Gustav Duft, directeur de l'OMEG). Cet arséniate de plomb et de cuivre (PbCu(AsO4)(OH)) appartient au groupe adelite-descloizite, et est retrouvé dans chacune des 3 zones d'oxydation.
La différence n'est pas toujours aisée à faire visuellement avec la conichalcite (CaCu(AsO4)(OH)) et avec la mottramite (PbCu(VO4)(OH)); il existe en effet des solutions intermédiaires (série duftite-conichalcite avec substitution du plomb par le calcium, où le terme intermédiaire est parfois appelé β-duftite ; série duftite-mottramite avec substitution du groupement arséniate par le vanadate).
La duftite-α (de formule idéale PbCu(AsO4)(OH)), riche en plomb, est surtout retrouvée dans la première zone d'oxydation. La duftite de la seconde zone d'oxydation est surtout de la β-duftite (de formule théorique PbCaCu(AsO4)(OH )), riche en calcium. Il est impossible de les différencier sans analyse, et ces termes désuets (proposés par Claude Guillemin en 1956) ne sont de toute manière plus reconnus par l'IMA.
Une poche exceptionnelle au 43ème niveau (3ème zone d'oxydation donc) a livré des cristaux de près de 5 mm (un record pour l'espèce) associés à du quartz, de l'adamite, et de la malachite (Gebhard)...
Les pseudomorphoses (duftite après mimétite dans la première zone d'oxydation) et périmorphoses (duftite sur ou après calcite, ou tennantite, dans la seconde zone d'oxydation) sont assez classiques.
GERMANITE
Rappelons que la mine de Tsumeb a produit quelques 80 tonnes de germanium durant toute son histoire, exploité localement à partir de 2 principaux sulfures, la germanite (Cu13Fe2Ge2S16) et la réniérite ( (Cu,Zn) 11 (Ge,As) 2Fe4S16 ).
Cet élément semi-conducteur a longtemps été utilisé dans la fabrication de transistors... Et une autre passion m'impose d'écrire ici que certaines pédales d'effet pour guitares électriques comportent encore et toujours ces fameux transistors au germanium, comme la célèbre pédale Fuzz de Dunlop, popularisée notamment par Jimi Hendrix, ou encore par les Stones dans le riff de Satisfaction...
Actuellement, cet élément assez rare et d’intérêt géostratégique permet surtout la fabrication de fibres optiques, d'optique infra-rouge, de composants électroniques...
LEITEITE
Une autre rareté...
La leiteite est un rare arsénite (et non pas arséniate, pour changer) de zinc (de formule ZnAs3+2O4) découvert à Tsumeb (encore une fois localité-type). Elle fut nommée ainsi en 1977 en l'honneur de Luis Antonio Bravo Teixeira-Leite (1942–1999), collectionneur lusitano-sud-africain qui fut le premier à remarquer ces cristaux très particuliers au début des années 70; pour l'anecdote, il mourut subitement au milieu de ses vitrines, en plein salon de Tucson, en 1999...
Les premiers échantillons ont été extraits de la seconde zone d'oxydation, aux 29ème et 30ème niveaux (au milieu de veines de tennantite et de chalcocite, en association avec de rares espèces telle que schneiderhöhnite, legrandite, reinerite, stottite, tsumcorite, stranskiite...).
Mais c'est surtout au début des années 90 que les plus belles découvertes eurent lieu, dans la troisième zone d'oxydation, au 44ème niveau (avec notamment la célèbre "Zinc Pocket" ouverte en 1992) et au 45ème. Ici aussi les minéraux associés sont assez exotiques: ludlockite (au 44ème niveau), legrandite, reinerite, köttigite, ianbruceite...
Typiquement, l'espèce se présente sous la forme de rares cristaux, et surtout de masses très tendres (dureté 1,5 à 2), incolores, blanches, ivoires, grisâtres ou rosées; transparentes ou tout du moins translucides; facilement clivables en lamelles flexibles; avec un éclat perlé (comme les micas).
LINARITE
A Tsumeb, la linarite -PbCu(SO4)(OH)2- se retrouve exclusivement au niveau de la première zone d'oxydation, tout en surface, essentiellement au niveau de l'affleurement originel, la "Green Hill" (entièrement rasée à l'aube de la Première Guerre Mondiale) et en particulier au niveau de la portion est de cette dernière, plutôt riche en plomb -sa partie ouest était réputée plutôt cuprifère-.
Les cristaux ne sont pas toujours millimétriques comme ici, des gerbes constituées de prismes de près de 20mm de long provenant de la Green Hill sont répertoriées.
La linarite se retrouve souvent associée à de la malachite, de la brochantite, parfois du quartz, plus rarement de la calédonite bleu ciel, voire de la beaverite en encroutement jaune canari. Les cristaux s'expriment la plupart du temps sur une matrice de cérusite granulaire altérée.
On connaît également quelques beaux exemples d'inclusions dans des cristaux de cérusite.
MALACHITE
MIMETITE
La mimétite peut prendre tellement d'habitus différents à Tsumeb (variétés des couleurs, des formes, associations et autres pseudomorphoses...) !
MOTTRAMITE
La mottramite, parfois confondue avec la duftite avec laquelle elle forme une série, est assez commune dans la première zone d’oxydation et dans la partie supérieure de la seconde. C’est le principal minéral du vanadium présent dans la mine (on oubliera les descloizites parfois étiquetées à tort comme de Tsumeb depuis les premières collections et qui proviennent en règle général de la mine de Berg Aukas ; les découvertes de descloizite à Tsumeb sont attestées mais confidentielles, et il s’agit de microcristallisations peu esthétiques).
OLIVENITE
L'olivénite -Cu2(AsO4)(OH)- a été décrite dans chacune des trois zones d'oxydation de la mine de Tsumeb, bien que ce membre terminal riche en cuivre de la série adamite-olivénite y soit bien moins "fréquent" que le membre intermédiaire, la zincolivénite.
Les spécimens les plus spectaculaires proviennent néanmoins de la portion supérieure de la première zone (dans les 100 premiers mètres d'après l'observation du directeur Wilhelm Klein en 1938), souvent en association avec de la malachite, de l'azurite, voire de la rosasite, et sont surtout reconnaissables par leur riche et fine cristallisation aciculaire rayonnante (une pièce exceptionnelle, de près de 25 cm, constellée d'aiguilles de 15 à 20 mm est répertoriée dans la collection de Kegel -rachetée en 1950-, conservée maintenant avec plusieurs autres au Smithsonian Museum of Natural History).
Des cristaux mesurant jusqu'à 5 cm de longueur sur 1 cm de largeur, terminés, mais dont le niveau de la découverte est hélas inconnu, sont par ailleurs les plus beaux décrits à ce jour pour l'espèce.
Les analyses ont montré dans certains cristaux très sombres d'olivénite la présence significative de fer.
PYRITE DE FER
La pyrite n'est pas l'espèce qui vient en premier à l'esprit quand on pense à Tsumeb: le gisement polymétallique était relativement plutôt déficient en fer. Et si l'on retrouve de la pyrite assez souvent dans la composition du minerai hypogène, il s'agit le plus souvent de petites masses grenues de quelques millimètres seulement, éparses au sein de veines de tennantite.
La pyrite a été surtout observée dans les premiers niveaux (première zone d'oxydation), moins fréquemment dans les niveaux intermédiaires, et de nouveaux dans les niveaux les plus profonds -des veines de pyrite massives mesurant jusqu'à 1 mètre d'épaisseur ont été découvertes aux niveaux inférieurs, au delà du 28ème niveau (d'après Lombaard, 1986)-.
Les spécimens bien cristallisés, centimétriques comme celui-ci, ne sont pas très courants; les cristaux prennent alors surtout la forme d'octaèdres et de dodécaèdres (pyritoèdres).
ROSASITE
- La rosasite est un minéral secondaire relativement rare à Tsumeb, principalement rencontré dans la partie supérieure de la première zone d'oxydation (la "Green Hill" et les 100 premiers mètres d'après Gebhard)
Outre ces doubles pseudomorphoses après azurite puis malachite, l'on signalera une paragenèse intéressante, avec des encroutements parfois associés à la "mythique" et rarissime otavite (carbonate de cadmium, première espèce "nouvelle" à avoir été décrite à Tsumeb en 1906).
- Quelques cristaux (et non des encroutements!) ont toutefois été découverts vers la fin de l'exploitation dans la troisième zone d'oxydation.
Ces cristaux (mesurant jusqu'à 2mm) ont permis en 1986 de redéfinir l'espèce : Roberts, A.C., Jambor, J.L., Grice, J.D. (1986) The X-ray crystallography of rosasite from Tsumeb, Namibia. Powder Diffraction: 1: 56-57. Ce faciès était jusqu'alors inconnu pour ce minéral.
SCORODITE
SIDERITE
Les spécimens de sidérite bien cristallisée ne sont pas très fréquents à Tsumeb.
Ce spécimen associé à de la germanite provient probablement de la troisième zone d'oxydation. Il s'agit ici à priori de sidérite zincifère, et l'on rencontre parfois en association avec ce type d'assemblage les mythiques bizarreries minéralogiques des profondeurs de la mine : la ludlockite et la leiteite.
SMITHSONITE
Les smithsonites roses ont été retrouvées dans chacune des trois zones d'oxydation. Dans les niveaux supérieurs, les mineurs allemands appelaient la smithsonite "Zinkschale" au début du XXème siècle. Si les exemplaires de cette première zone sont souvent des agrégats mamelonnés, d'un blanc cassé tendant parfois vers le jaune "sale" (souvent constellés de petits cristaux de mimétite pour les quelques exemplaires de la Colline verte qui ont survécu de nos jours), quelques poches colorées très sympathiques ont été retrouvées.
La plupart des cobaltosmithsonites de la seconde zone d'oxydation que j'ai pu observer semblent avoir pour dénominateur commun, quel que soit la poche d'origine (rhomboèdres, lentilles...) la présence sous-jacente de galène (traces de cobalt) plutôt que de tennantite.
Celles des niveaux supérieurs, moins "courantes" (peut-être parce qu'il s'agit de collections plus anciennes et depuis longtemps dispersées voire perdues) me paraissent plutôt liées à un mélange tennantite/pyrite microcristallisée.
Enfin des cristaux magnifiques, rhomboédriques, à la couleur tendant plus sur le rouge (ils rappellent par leur habitus certaines rhodochrosites péruviennes), variété "mangano", sur une matrice de tennantite/germanite/pyrite, ont été découverts dans la troisième zone d'oxydation (entre les 45ème et 47ème niveaux); ils y sont parfois associés à des cristaux centimétriques de chalcocite (les plus beaux trouvés à Tsumeb, d'après Ghebard).
L'identification cobaltosmithsonite (pour les variétés rose pâle) ou manganosmithsonite (pour les couleurs plus saumonées), termes souvent utilisés même par les marchands internationaux les plus réputés, est en fait purement théorique, souvent sans analyse associée. (Idem pour les appellations "cadmiumsmithsonite" pour les couleurs jaunes).
TENNANTITE
Bien que la tennantite soit un composant majeur du minerai sulfuré, bien peu de jolis cristaux sont sortis de la mine, la plupart étant très corrodés par l'action des fluides météoriques. Le plus gros cristal connu (près de 20 cm tout de même), récolté au 6ème niveau, a été photographié dés 1920 par Wilhelm Klein avant d'entrer dans la collection Kegel puis de finir à la Smithsonian Institution.
- Elle est surtout d'origine hypogène ; c'est le principal minerai de cuivre à Tsumeb, et on la retrouve tout le long du tube minéralisé; elle y prend la forme de petits grains noyés dans les sulfures, ou de filons plus importants (comme sur la plaque polie -au passage très intéressante!- que tu as montrée dans ton second message). Pour Keller (1977), les cristaux tétraédriques de tennantite s'y seraient formés à partir de la désintégration des sulfures environnants, plutôt que par cristallisation habituelle dans des poches.
Et puis, pour nous amateurs de belle minéralogie, il faut rappeler que cet arséniure est la principale source des ions arséniates à l'origine des jolis minéraux secondaires (sans oublier non plus quelques cations métalliques). - Une très petite proportion de la tennantite est aussi d'origine supergène, que l'on retrouve par exemple dans des pseudomorphoses après azurite ou enargite.
Ce spécimen est un grand classique. Un dyke d'environ 50 cm de large a été découvert au 45ème niveau, vers la fin de l'exploitation ; probablement rempli à l'origine par de la calcite avant sa dissolution, il ne contenait que des cristaux de quartz et de tennantite; c'est de ce dyke que proviennent nombre de spécimens avec cet habitus noirâtre (d'après Gebhard).
TSUMCORITE
Ce rare arséniate hydraté de plomb, de zinc et de fer a été décrit pour la première fois en 1969 par Bruno Geier à Tsumeb.
WILLEMITE
Ce silicate de zinc se rencontre aussi bien sous la forme de globules que de cristaux aciculaires, avec des teintes allant du bleu ciel au brun-rouge (une variété parfois appelée trootsite) ; des cristaux jaune-citron, riches en cadmium, ont même été découverts entre les 43ème et 46ème niveaux de la 3ème zone d’oxydation, vers la fin de l’exploitation.
La willémite n'est, relativement, pas si rare à Tsumeb.
A signaler de beaux cristaux sphéroïdaux gemmes d'un bleu-vert associés à des rhomboèdres de calcite blanche et de la dolomite, particulièrement esthétique (dont l'origine dans la mine est là aussi inconnue), et qui ont établi Tsumeb comme localité majeure pour ce minéral également.
Seul l'habitus de couleur jaune-citron, riche en cadmium, permet à priori d'établir une provenance, à savoir la troisième zone d'oxydation (et plus particulièrement les niveaux 43 à 46) ; l'on y retrouve alors la willémite associée à de la zincolivénite et de la rosasite.
Enfin, une variété intéressante à rappeler, dénommée trootsite (à ne pas confondre la trootsite rencontrée en métallurgie) et qui se caractérise par une coloration brun/rougeâtre des agrégats botryoïdaux de willémite.
WULFENITE
ZINCOLIVENITE
La zincolivénite est présente dans les 3 zones d'oxydation. C'est une espèce assez récente (Chukanov, 2007), appartenant à la série adamite ( Zn2AsO4OH) - olivénite (Cu2AsO4OH), dont elle représente le membre intermédiaire (avec pour définition un ratio zinc:cuivre entre 25:75 et 75:25). La grande majorité des "cuproadamites" des anciennes collections sont donc des zincolivénites.
A Tsumeb, elle est bien plus fréquemment rencontrée que l'adamite, et certains des arséniates les plus rares de la mine sont parfois associés avec (Keyite, Schultenite...).
Là encore, des poches célèbres sont répertoriées, essentiellement dans les seconde et troisième zones d'oxydation (l'espèce est rare dans la première, quoique attestée, par exemple dans la collection Karabacek du musée d'Harvard).
- Une poche au 28ème niveau (seconde zone d’oxydation), découverte vers 1973/74, contenait des cristaux mesurant jusqu'à 35mm, avec toute la série olivénite - zincolivénite - cuproadamite, associés à de la schultenite (un arséniate très rare de formule PbHAsO4 ).
- La poche la plus remarquable a été ouverte par un jeune mineur Ovambo en 1986, au 30ème niveau (seconde zone d'oxydation), lors de travaux d’installation électrique; il remonta quelques cristaux pour les vendre en tant que "Diopt" (c'est ainsi qu'ils appelaient la dioptase dans leur langue héréro)... Ces fameux cristaux du 30ème niveau sont de couleur verte-émeraude, gemmes, mesurent jusqu'à 5 cm, et sont associés à une poudre jaunâtre, de la ferrilotharmeyerite (un autre arséniate très, très rare de formule CaZnFe3+(AsO4 )2 (OH) 2 .2). Ce sont tout simplement les plus beaux cristaux de zincolivénite / cuproadamite jamais découverts dans le monde !
- Pour la troisième zone d'oxydation, citons la découverte en 1993 d'une petite poche au 44ème niveau, avec des cristaux plus petits (jusqu'à 2 cm), mais très bien définis, partiellement pseudomorphosés en ferrilotharmeyerite jaune et associés à de la chudobaite (encore un arséniate très, très, très rare, de formule (Mg,Zn) 5 [AsO3 (OH)] 2 (AsO4 )2 .10H2 O ), incolore.
GS1
Dans son ouvrage Tsumeb en 1999, Gebhard recensait quelques "espèces" rares encore non recensées (il y en eut bien d'autres de découvertes depuis), et qu'il appelait provisoirement GS 1, 2...
"GS 1" que l'on voit ici semble être une substance amorphe, comportant Zn, Fe, As, O, H. Il semble être analogue par sa composition (microsonde) à un autre minéral décrit à Tsumeb, la fahleite -CaZn5Fe3+2(AsO4)6 · 14H2O-, quant à elle bien cristallisée, dans le système orthorhombique (Tony Nikischer, juin 1997.)
Mais comme travailler sur un minéral amorphe ou mal cristallisé ne passionne guère de monde, on n'en sait guère plus à l'heure actuelle...
Livres :
-Namibia: Minerals and Localities, Volume 1: NHBS - Ludi von Bezing, Rainer Bode, Steffen Jahn, Bode Verlag GmbH.
-Namibia: Minerals and Localities Volume II (Authors: Ludi von Bezing, Rainer Bode and Steffen Jahn)
J’en profite pour conseiller l’excellentissime livre Tsumeb – a Unique Mineral Locality de Georg Gebhard (édition originale en allemand, réédition de 1999 en anglais agrémentée de nouvelles photographies, souvent appelé Tsumeb II), hélas assez difficile à se procurer de nos jours (presque aussi dur que de se dénicher une jolie ludlockite...).
Et quelques pages à savourer :
- http://www.tsumeb.com/en/ site très bien construit et complet autour de la minéralogie, enrichi de nombreuses références scientifiques.
- http://www.williampinch.com/tsumeb présentant la collection du regretté W. Pinch, qui eut la chance de posséder nombre d’espèces rares et esthétiques, dont le célèbre spécimen holotype d’andyrobertsite.
Je tiens encore ici à remercier Icarealcyon et Lucailloux, membres de Géoforum, pour leurs précieux conseils.
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